*Rappel :
-GFM : Grammaire française « ministérielle » (sur Internet)
– GEQ : La grammaire en questions – titre d’un essai de l’auteur du blog.
Cette Grammaire du français est révélatrice de ce que le discours officiel, académique, dit des limites de la société – il en est le porte-parole, plus ou moins conscient, comme l’école – quand il s’agit d’aborder la problématique du vivant, en l’occurrence le langage qui en est l’expression.
C’est en quoi sa lecture est pénible, presque déprimante.
La seule petite lumière – mais oui, il y en a une – est celle, non d’un doute – quand même pas – mais d’une très relative incertitude. Par exemple concernant le rejet du conditionnel en tant que mode. (voir dans un article à venir).
Ce discours construit sur la distinction forme/sens conduit à des non-sens.
Par exemple pour le complément d’objet (COD : complément d’objet direct / COI : complément d’objet indirect).
Voici l’explication qu’en donne GFM (niveau I p.15) :
– Le facteur distribue le courrier : COD de distribue.
– Le facteur parle à sa collègue : COI de parle.
– Le facteur va à Paris : COI de va.
– Le facteur donne une lettre à ma voisine : COD + COI de donne.
« Un complément d’objet est en rapport avec le sens du verbe. Plus précisément, il est impliqué par le sens du verbe. Par exemple, le verbe boire implique des compléments dont le sens est compatible avec le sens de boire : elle boit de l’eau, elle boit du café, etc. Le verbe aller implique une destination (par conséquent à Paris est un COI dans « Elle va à Paris ») »
Questionnement de GEQ, réfrénant autant qu’il le peut un étonnement qui le laisse sans voix – qui n’empêche pas d’écrire : quelle compréhension permettent en rapport et compatible ? Dans la phrase « Le facteur va en voiture avec son frère à Paris », en quoi en voiture et avec son frère seraient moins en rapport et moins compatibles avec « va » que « à Paris » ? Ils seraient donc eux aussi des compléments d’objet ? Est-ce que toute précision apportée à l’action exprimée par un verbe n’est pas nécessairement en rapport et compatible avec lui ?
Critique, mesurée pour le moment : GFM ne définit pas la notion « objet » ce qui aboutit à faire de l’expression complément d’objet une abstraction que son application à des informations différentes vide de sens.
Les élèves en difficulté répondaient à ma question « comment comprends-tu le COD ? » par « c’est ce qui répond à la question quoi ? » – le GFM a abandonné ce procédé de repérage, qui – je l’ai vérifié tout récemment – est toujours utilisé.
« Je pose le livre sur la table » : je pose quoi ? = le livre = COD de pose.
« Sur la table est posé un livre » : sur la table est posé quoi ? = le livre = COD de est posé.
Réponse juste dans le premier cas, fausse dans le second (livre est le sujet du verbe), avec, pour effet, le désarroi de celui qui avait bien retenu et appliqué ce qu’on lui avait enseigné.
Si je demandais la signification de « complément », ils s’empêtraient, et « objet » était pour eux un objet concret, matériel, la chaise, la table, le stylo…
GFM, qui s’adresse aux professeurs, ne définit pas le concept d’objet, pas plus que celui de sujet. Est-ce que le mot concept figure dans le livre ?
Voici ce qu’il précise au niveau II (p.84-85) :
« Lorsque le complément d’objet n’est introduit par aucune préposition (Je vois les enfants), le complément est dit « complément d’objet direct » (COD) et le verbe est dit « transitif direct ». Lorsque le complément d’objet est introduit par une préposition (Je parle à quelqu’un), le complément est dit « complément d’objet indirect » (COI) et le verbe est dit « transitif indirect ». Les verbes qui n’admettent ni COD ni COI sont appelés « verbes intransitifs » (Les chevaux galopent).
Rien donc, qui concerne le sens.
J’ai déjà signalé combien l’ajout de information à complément facilitait la compréhension. Expliquer le sens de « objet » ( latin – jet = mis, placé, – ob en face de) permettait la différenciation avec sujet. L’étymologie (sub = dessous) doit être complétée par l’historique du mot ( du sujet du roi, au sujet –individu–pensant en passant par le sujet d’examen) qui permet de comprendre la relation sujet-verbe.
Un complément d’objet est donc une information concernant l’action du verbe. Mais sur quoi renseigne-t-elle exactement ?
Si je dis : « Pierre lit », le verbe me précise l’action de Pierre, mais j’ignore ce qu’il lit, autrement dit, j’ignore le contenu de l’action que je connais avec , par exemple « un livre ». Ce qui revient à dire que le complément d’objet est une information sur le contenu de l’action exprimée par le verbe. La précision « direct » ou « indirect » ne concerne pas la nature de l’information, mais simplement une construction.
« Pierre parle de ses vacances » : vacances renseigne sur le contenu de l’action du verbe parler qui se construit avec la « préposition » de, il est donc un complément d’objet dit « indirect » – à noter que préposition signifiant « posé devant » , « postposition » serait plus adéquat puisque de est attaché au verbe.
Question : quel est l’intérêt d’insister, dans l’analyse, sur la seule différence de construction entre des deux compléments d’objet ?
La réponse pourrait être la révélation du non-sens que j’annonçais à propos des exemples pris par GFM et que je vais rappeler juste après une mise au point à propos des termes « transitif direct et transitif indirect » appliqués aux verbes.
« Transitif » (latin trans = à travers, au-delà – ire = aller) et « intransitif » (in = négation) sont des mots de grammairiens savants qui n’ont de sens que pour eux. Il est impossible de les expliquer autrement que par ce que dit GFM, de l’ordre de l’axiomatique ou de la tautologie : un verbe est transitif direct quand il peut se construite avec un complément d’objet direct et c’est parce qu’il peut se construire avec un complément d’objet direct qu’on l’appelle transitif direct.
GEQ explique que les verbes d’action sont soit vides de l’objet soit pleins : lire, manger, acheter… sont vides en ce sens qu’il faut en préciser le contenu (une églogue, une omelette, un paratonnerre), alors que marcher, venir, partir… sont pleins de ce contenu/objet – essayez donc de marcher, venir ou partir quelque chose ou quelqu’un !
Je reviens aux exemples de GFM :
– Le facteur distribue le courrier : COD de distribue.
GEQ : le courrier renseigne sur le contenu de l’action de distribuer (un verbe vide – on peut distribuer beaucoup de choses). L’analyse est juste.
– Le facteur parle à sa collègue : COI de parle.
GEQ : à sa collègue ne renseigne pas sur le contenu de l’action, ce que ferait de sa tournée. COI est donc une absurdité. « à sa collègue » est le destinataire de l’objet qui n’est pas précisé.
– Le facteur va à Paris : COI de va.
GEQ : le verbe aller est un verbe plein. Impossible d’en préciser le contenu. COI est encore une absurdité. « à Paris » donne l’information de la destination, du lieu où se rend le facteur.
Franchement, en écrivant ces remarques, j’ai l’impression de corriger un exercice scolaire qui témoignerait d’une leçon mal enseignée ou mal comprise.
Comment dire que « à Paris » est un complément d’objet indirect ?
Est-ce qu’il y a quelque chose qui m’échapperait et dont l’évidence est si aveuglante que je ne la verrais pas ?
Help ! I need somebody ! Help !
J’aurais bénéficié de vos conseils avisés quand j’étais étudiante et assistante de français à l’université de NY et que j’avais du mal à expliquer à mes élèves américains les verbes « transitifs et intransitifs » ….
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Merci, Hélène. Vous n’étiez pas la seule, même si le constat n’est pas d’un grand secours. Je viens de vérifier sur Internet – en rédigeant l’article 5 – que les échanges sur ces questions sont toujours vifs et témoignent du même désarroi.
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