La grammaire française telle qu’elle est enseignée aux professeurs par le ministère de l’Education nationale (5)

*Rappel :

-GFM : Grammaire française « ministérielle » (sur Internet)

– GEQ : La grammaire en questions – titre d’un essai de l’auteur du blog.

La question posée à la fin de l’article précédent trouve une réponse possible dans la manière dont est définie la notion « complément circonstanciel » par rapport à « complément d’objet ».

> niveau I (p.17) « À la différence du complément d’objet du verbe (COD ou COI) qui est lié au sens du verbe, le complément circonstanciel n’entretient aucun rapport de sens nécessaire avec le sens du verbe. Il donne des informations complémentaires au sujet de l’événement décrit par l’ensemble du groupe sujet et du groupe verbal[GS + GV] : lieu de l’événement, moment de l’événement, cause de l’événement, etc. C’est pour cette raison que le complément circonstanciel est toujours facultatif (il peut donc être supprimé sans que l’intégrité de la phrase soit affectée) et qu’il peut par ailleurs être déplacé dans la phrase, puisqu’il possède une autonomie par rapport à l’ensemble [GS + GV]. »

Le problème est donc celui de la nécessité.

Dans « Le facteur va à Paris » les auteurs considèrent que « à Paris » est lié au sens du verbe aller, ce que confirme, selon eux, le fait qu’il ne peut pas être déplacé. Ils en font donc un complément d’objet.

Examinons cet autre exemple.

Supposons qu’un homme est accusé d’un crime dont on sait qu’il a été commis à 7 h 00 au nord de Paris, et qu’un témoin déclare aux enquêteurs : « Le suspect est arrivé en TGV à 8 h 00 à la gare de Lyon. »

Quelle information serait non nécessaire, facultative, donc susceptible d’être « supprimée sans que l’intégrité de la phrase soit affectée » ? « Aucune, évidemment ! » répondra l’avocat du suspect.  Alors, est-ce que l’ensemble « en TGV à 8 h00 à la gare de Lyon » dont le déplacement dans la phrase n’a pas plus de pertinence que le « à Paris » du facteur, serait constitué de trois compléments d’objet ? « Mais ça ne veut rien dire ! » répondra le maître de philosophie à Monsieur Jourdain dont on sait qu’une belle marquise d’amour ses beaux yeux mourir d’amour le font.

La définition des auteurs déconnecte l’analyse du sens, et notamment ici, des notions de moyen, de temps et de lieu qui disparaissent parce qu’une autorité – la leur ou celle de la tradition grammaticale française –  a décidé d’établir une distinction formelle entre ce qui est nécessaire et ce qui est facultatif dans une information.

*J’ai trouvé la même surprenante analyse à propos de la phrase « Alice est à l’école » (niveau II – p.87,88) : « Si « Alice est à l’école » signifie « Alice se trouve à l’école » (ou « Alice est dans l’école »), le GNP [groupe nominal prépositionnel] à l’école s’analyse comme un COI [complément d’objet indirect] (au même titre que « dans la voiture » dans « Alice est dans la voiture »).

On trouverait donc un complément d’objet après le verbe être… ?

En quoi cette explication est-elle plus pertinente que : « école » ou « voiture » donne l’information du lieu où est, se trouve Alice ? Rétorquer que école et voiture ne pouvant pas être déplacés ne donnent donc pas une information circonstancielle revient à éliminer la valeur contingente que peut avoir le verbe être [ cf. son utilisation comme auxiliaire de conjugaison ; à noter que pour exprimer nos passé-composé/passé-simple actifs, le latin conjugue une forme simple (discessi : je suis parti) et qu’il utilise le présent du verbe être (sum) pour l’exprimer à la voix passive : amatus sum – littéralement  = je suis (dans l’état de) ayant été aimé > j’ai été aimé,  je fus aimé).

Ainsi, comment analyser, expliquer « Je suis en vacances » ? Je suis allé voir sur Internet les controverses – attribut ? complément de lieu ? –  pour moi stériles.

Je ne vois rien d’autre que : « en vacances » renseigne sur la situation où « je » est, provisoirement ou définitivement (= en retraite… on remarquera que manque la précision de l’âge de départ).

Ce qui implique, avant toute leçon de grammaire, un travail explicatif de ce que signifie le verbe être.

Je reviens à mon mouton initial pour finir l’article.

Circonstanciel vient du latin circum = autour et stare = se tenir. Le mot a été inventé par les grammairiens pour différencier le complément d’objet dit essentiel et de ceux dits non-essentiels.

Ce qui n’est pas sans effets pervers.

Ainsi, certaines grammaires  (cf. Internet) disent que les compléments de poids, de mesure sont circonstanciels. Ex : « Pierre mesure un mètre soixante. ». Analyser un mètre soixante comme un complément circonstanciel – donc non essentiel – est absurde. Il ne peut pas être non plus un complément d’objet, sauf si l’on veut dire que Pierre prend une mesure d’un mètre soixante. Alors ? Je dirai – est-il besoin de dire « tout simplement » ?  –  que « un mètre soixante » précise la taille de Pierre annoncée par le verbe « mesure ». A quoi bon lui coller une étiquette ? (voir plus loin). Id. pour le poids.

Il serait préférable d’éliminer cette distinction (essentiel/non-essentiel… ce qui pose – dans un autre article – la question de la distinction phrase simple / phrase complexe,  proposition principale / propositions subordonnée) et lui substituer l’explication suivante :  l’ensemble verbal d’un message est constitué par les informations données par le verbe – on parle ici d’un verbe d’action – , puis par le contenu de l’action (l’objet), précisé ou non, enfin par d’autres informations qu’on pourrait qualifier d’associées, et l’importance des unes et des autres varie selon le contexte.  

Ainsi, dans la phrase « Tous les jours, à seize heures, Louis mange délicatement dans la cuisine une pomme avec un couteau. », on distinguera l’action (mange), le contenu/objet de l’action (une pomme) et les informations associées qui précisent le temps répété (tous les jours),  le moment précis (à quatre heures), le lieu (la cuisine), la manière (délicatement) et le moyen (avec un couteau). Quant à l’importance des informations : cet exemple n’appelle aucune remarque particulière, sinon que Louis a une habitude dont un diététicien dira qu’elle est bonne, surtout si Louis pèle la pomme (à cause des pesticides) à moins qu’elle ne soit bio, et encore.  Maintenant, si je précise que Louis est le roi Louis XIV, le message devient tout autre et les commentaires ne seront pas seulement d’ordre diététique. Bizarre, quand même, ce roi soleil, dans une cuisine, non ?

Je retrouve un court instant « Le facteur va à Paris » (à Paris = COI, dit GFM) pour une précision à propos de « lié au sens du verbe », qui veut signifier un non-dissociable. Seulement, le Larousse indique que le verbe aller est intransitif – autrement dit, il ne peut pas être construit avec un complément d’objet – et j’ajouterai cette précision que le verbe aller peut s’employer seul :

– Comment allez-vous ? Ça va.

– Allez ! dit l’arbitre d’escrime aux compétiteurs pour lancer l’affrontement.

– « (…) Je suis une force qui va ! »  (Hernani – actes III, scène 2 – V. Hugo)

* l’information apportée par aller dans « je vais venir » et arriver dans « j’arrive à comprendre » n’est pas facile à analyser dans la mesure où les deux verbes sont utilisés dans un sens figuré/métaphorique : je dirai que « vais venir » est indissociable en tant qu’expression d’un futur plutôt proche  (aller jouant le rôle d’un auxiliaire = aide) et que à comprendre informe du résultat d’une démarche indiquée par j’arrive, un aboutissement,  et je ne vois pas en quoi chercher à mettre une étiquette ( = à comprendre : complément de… ? de j’arrive) peut aider.

La problématique, à suivre, est donc celle des « étiquettes » et de leur pertinence.

(à suivre)

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