*Rappel : -GFM : Grammaire française « ministérielle » (sur Internet)- GEQ : La grammaire en questions – titre d’un essai de l’auteur du blog.
Si l’analyse des éléments constitutifs de la phrase est essentielle pour la maîtrise du langage (parlé, écrit, écouté et lu), tout dépend de l’intention avec laquelle elle est abordée. Autrement dit, que veut-on expliquer ?
GFM
– niveau I (p. 14) : Le groupe sujet : la fonction sujet. Le groupe sujet (GS) règle l’accord du verbe. Suit la liste des différentes natures du GS : un groupe nominal (GN), un pronom personnel.
– niveau II (p.83) : même titre, même description plus développée des différents GS possibles. La notion de « fonction » n’est pas abordée avant les exemples, mais après, dans la conclusion (p.20) et de cette manière (la mise en évidence est de GEQ, comme dans le § suivant): « Compte tenu de ce qui a été exposé précédemment, on notera que, d’une manière générale, le terme « fonction » désigne une relation entre des mots ou des groupes de mots. »
Le paragraphe suivant précise : « Dans la tradition grammaticale française, seuls les mots et groupes de mots lexicaux ont une fonction (à l’exception du verbe et du groupe verbal (GV)), ainsi que les pronoms ; les déterminants, les prépositions, les conjonctions sont des outils grammaticaux qui n’ont pas de fonction par eux-mêmes mais font partie d’un groupe de mots qui a une fonction. Par exemple, dans « Le château de ma mère », la préposition « de » n’a pas de fonction mais le groupe nominal prépositionnel (GNP) « de ma mère » qu’elle introduit est de fonction complément du nom. Quant au verbe ou au groupe verbal, il est considéré comme le pivot de la phrase, par rapport auquel les fonctions sujet et complément circonstanciel se définissent .C’est pourquoi, dans notre tradition grammaticale, il n’existe pas de terme pour définir sa fonction. »
GFM distingue ensuite la fonction sujet (relation entre groupe nominal et groupe verbal) de la fonction complément circonstanciel (relation entre ce complément et le groupe formé par le groupe sujet et le groupe verbal).
A aucun moment il n’est proposé de définition de ce qu’est le sujet.
GEQ
Critique.
L’intention est claire : les explications du GFM ne concernent pas le sens du langage exprimé dans une phrase, mais sa forme, ce qui, dans le droit fil du vieux discours académique, situe la grammaire dans un monde parallèle, déconnecté du vivant.
Dire (1er§) qu’une fonction désigne une relation entre revient à dire qu’elle n’aurait pas de sens en soi. Autant dire que, dans la vie réelle, la fonction de pompier (j’oublie l’étymologie) se définit par une relation entre l’homme et le feu. Mais l’homme qui craque une allumette, celui qui actionne un briquet, ou frotte deux silex, sans parler de Zeus envoyant la foudre, tous ont également une relation avec le feu, sans être pour autant des pompiers. Si telle ou telle fonction d’un nom établit bien une relation, « relation » ne suffit pas pour définir ce qu’est précisément cette fonction : ainsi, dans Le château de ma mère, GFM ne définit pas la fonction de ma mère, par « relation avec château » mais par « complément du nom château ». Que signifie donc l’explication « relation entre » qui n’est finalement qu’une tautologie (= dire la même chose, sous une autre forme : ici, relation = complément) ou une évidence (complément = relation) : tous les éléments d’une phrase sont évidemment en relation les uns avec les autres, et ce qu’il importe d’identifier, c’est ce que chacun d’eux apporte comme information au message. Information est un mot absent du discours de GFM, sans doute parce qu’il fait partie du vivant concret, expérimenté.
On voit, dans le 2ème §, à quelle contorsion conduit un tel discours (sous le couvert de la tradition grammaticale française – connotée « respect du patrimoine », sacré etc. – pour autant qu’une tradition puisse être « grammaticale »…).
Le groupe verbal n’a pas de fonction parce qu’il est le pivot de la phrase par rapport auquel les fonctions sujet et complément circonstanciel se définissent.
Il s’agit en réalité d’un parti pris de dissociation de l’analyse grammaticale et de l’analyse sémantique : la forme d’un côté, le sens de l’autre, bref la négation pure et simple de la prise en compte du texte en tant que totalité, un parti pris qui renvoie, quelques décennies en arrière, à la pratique archaïque d’explication littéraire qui dissociait la forme et le fond. Un non-sens donc, qui va jusqu’à l’absurde : GFM dit que la préposition de n’a pas de fonction parce qu’elle est un outil, ce qui revient à dire aux élèves qui utilisent parfois un crayon ou une règle ou un calculette, que l’outil n’a pas de fonction, et qu’introduire un complément – c’est-à-dire établir une relation – n’est pas une fonction puisque, comme on vient de le leur expliquer, la fonction désigne une relation : de établit une relation, la fonction désigne une relation, donc de n’a pas de fonction. Je parlais d’absurdité.
GEQ
La problématique est tout autre à partir de l’explication via le concept d’information qui permet d’évacuer la notion de fonction telle qu’elle est définie par GFM et la « tradition grammaticale ».
Un phrase est un message et tous ses composants apportent des informations. Quel type d’information, telle est la question.
Autrement dit : dans une phrase, un nom (sa fonction générale est de désigner les êtres vivants et ce qui les constitue – dont les abstractions que sont les idées, les sentiments… – et les objets) apporte une information qui complète une autre information donnée par un autre nom ou un verbe. Il faut donc identifier ce nom ou ce verbe et préciser quelle est la spécificité de l’information apportée par le nom.
Soit la phrase : « Dominique, sept ans, joue avec son ordinateur depuis deux heures. »
GFM expliquera : « Dominique, sept ans » groupe sujet comprenant le nom sujet et une apposition – « joue » (groupe verbal pivot de la phrase, donc sans fonction) « avec son ordinateur depuis deux heures » compléments circonstanciels.
GEQ : J’ignore si le sujet (Dominique) du verbe d’action (joue) est un garçon ou une fille – dans cet exemple, la distinction n’a pas d’importance, mais on sait que, pour certains événements, le sexe, le prénom ou le nom peuvent en avoir une. La précision de l’âge apportée par « sept ans » (nombre cardinal + nom) et mise entre virgules (terme technique : apposition, du latin apponere = placer auprès, ajouter) est là pour attirer l’attention – il s’agit donc d’une information qui peut avoir une certaine importance. Les deux autres compléments d’information apportent deux précisions au verbe, l’une concerne l’objet utilisé par Dominique, l’autre la durée de l’action qui n’est pas achevée (présent du verbe). Si je mets en relation les trois informations, (apposition + les deux compléments) il se peut que la phrase ne soit pas seulement une dénotation (information neutre) mais une connotation dépréciative.
(à suivre)