Les élus vont représenter environ 40% du corps électoral.
Si l’abstention (majoritaire) n’invalide pas l’élection, elle pose des questions auxquelles les médias et les politiques répondent par des analyses grosso modo semblables : des causes conjoncturelles – épidémie, éloignement des deux tours – et structurelles – désaffection pour la/les politique(s).
Personne ne sait quelle aurait été la participation sans ces causes conjoncturelles dont je ne suis pas convaincu qu’elles aient été déterminantes : les conditions sanitaires étaient mieux gérées qu’en mars et si la diffusion du virus continue, elle est moindre et assez bien maîtrisée, du moins pour ce que l’on en sait. De plus, les sondages indiquent que ce sont les personnes âgées, censées être les plus vulnérables, qui ont le plus voté.
Quant à la cause structurelle, elle n’est pas nouvelle, pour ne pas dire qu’elle est permanente. Aussi loin qu’on remonte dans l’histoire du vote, on trouve le discours de suspicion, de dénigrement des politiques qui font des promesses non tenues, de la politique qui sert toujours les mêmes intérêts.
Ce qui est nouveau, c’est la conjonction entre l’abstention et le succès des listes écologistes.
L’abstention – si elle est forte pour ces municipales – n’est pas un phénomène récent. Elle croît régulièrement, depuis des décennies.
Ceux qui ont voté (en minorité) ont créé une situation inédite : pour la première fois, de grandes villes et agglomérations seront dirigées par des équipes qui ont mis l’écologie en première ligne de leur programme.
Ce qui sous-tend cette préoccupation écologiste est, comme on le sait, le réchauffement climatique qui rend/rendra dans les années à venir très difficiles les conditions de vie pour l’humanité – entre autres.
D’un côté : rejet du politique (abstention majoritaire). De l’autre : vote écologiste (majorité minoritaire).
Ce qui pourrait se comprendre ainsi : le politique tel qu’on le connaît est désormais perçu comme inopérant, mais pour un objet non clairement identifié.
Mais le politique n’a de sens que si l’on en précise le contenu, sur lequel il agit, à savoir le capitalisme… qui n’est pas encore perçu/analysé comme l’expression d’un problème qui nous est commun et dont on décrit encore et toujours pour les dénoncer les dysfonctionnements (cf. Th. Piketti).
L’écologie devient donc un mode de gestion politique municipale par défaut, en ce sens qu’elle ne pose pas la question de l’origine du système, mais qu’elle propose de traiter les symptômes des maux qu’il produit.
Il n’est évidemment pas sans intérêt de favoriser les transports en commun, de créer de meilleures conditions pour le respect de l’environnement, de multiplier les initiatives particulières visant à améliorer la production agricole, à rendre la consommation plus responsable etc.
Mais tous les îlots verts ne peuvent rien contre le tsunami des peurs/angoisses qui n’épargnent personne et qui génèrent à terme une conception du développement fondé sur le type de croissance que nous connaissons.
Là est le cœur du problème.
Si les diagnostics des climatologues / infectiologues sont justes, il faut produire un discours qui explique comment notre commun est à l’origine du rapport à l’objet, à sa production et à son utilisation, de type capitaliste depuis au moins deux siècles.
Les mesures, les ajustements, les contraintes, pour nécessaires qu’ils soient, ne concernent que le fonctionnement du système, pas le système lui-même.
C’est ce qu’illustre le discours qu’Emmanuel Macron vient de prononcer devant la Convention citoyenne sur le climat : il faut continuer à « produire ».
Comme si le contenu du « produire » allait de soi, comme s’il n’était pas déterminé, en amont, par la conception de notre commun.