Jean-Sébastien Bach : Matthäus Passion – BWV244 – Passion selon Matthieu (3)

L’œuvre comprend 68 entrées (récitatifs, arias, chorals) de durée variable (de quelques secondes à 7 minutes) selon l’importance du récit et des discours intercalés.

Elle commence par une introduction symphonique suivie d’un texte chanté par les deux chœurs accompagnés de l’orchestre.

Une brève analyse de cette introduction permet de comprendre l’essentiel du rapport entre le texte et la musique dans l’ensemble de l’œuvre.

Le texte commence par un appel « Venez, ô filles, [dans le sens mes enfants]  aidez-moi dans mes lamentations ! » et il exprime l’essentiel du discours de la Passion : Jésus a souffert et est mort à cause de nos péchés. Il se termine par « Aie pitié de nous Jésus ! ». Il contient quatre questions posées par les filles soumises à l’injonction « Regardez ! »  : « Qui ? » (réponse : le fiancé), « Comment ? [le regarder] »  (comme un agneau),  « Quoi ? »  (sa patience), enfin « Où ? » (dans la direction de notre faute).

Cette introduction, de tonalité mineure*, est caractérisée par un rythme ternaire et son accord final est de tonalité majeure*.

[ *Je reproduis une analyse écrite dans le 3ème article du 23 juin 2021 consacré à la fugue BWV 578 :  « La tonalité mineure est connotée de tristesse parce qu’elle est envisagée dans un discours non d’unité de l’être, mais de dissociation du corps et de l’esprit. La tristesse n’est pas dans le mineur mais dans la dissociation. Autrement dit, la tristesse de la tonalité mineure n’existe que lorsqu’elle est orpheline, en manque de l’autre. Parfois même dans la recherche et l’entretien de sa propre complaisance. Elle disparaît quand les deux sont dans un rapport dialectique comme le sont notre corps et notre esprit dont les discours respectifs parlent à la fois de vie et de mort dans une dialectique permanente. »]

J’ajouterai l’exemple de la très célèbre toccata et fugue en ré mineur BWV565– pour orgue – à laquelle la tonalité ne confère aucune tristesse mais de la profondeur. (Je reviendrai sur cet exemple dans la conclusion de l’article).

L’organisation musicale du chœur de cette introduction (7minutes) est la suivante : pour commencer, une fugue orchestrale (superposition de deux lignes mélodiques – horizontalité) dont le rythme n’est pas très marqué, suivie d’une fugue chantée.

L’accentuation devient plus forte avec les deux premières questions [« wen ? » (qui ?), « wie ? » (comment ?) ) : elle est de construction harmonique (verticalité), puis la fugue reprend, avant les deux autres questions de même construction harmonique [ « was ? » (quoi ?), « wohin ? » (où ?) et la conclusion par un accord long de tonalité majeure.

L’orchestre prend le relai pour des transitions – le rythme est marqué par des traits appuyés de violons – tandis que les deux chœurs reprennent le choral fugué, jusqu’à la fin.

Cette introduction contient les caractéristiques majeures de la composition d’ensemble :  une alternance/combinaison de l’harmonie et du contrepoint (la fugue) avec le paramètre remarquable de la répétition qui a pour effet d’accentuer la distanciation du texte de l’objet même de l’œuvre et crée ainsi une œuvre dans l’œuvre, un concert dans le concert.

Nous verrons dans le prochain article les exemples les plus significatifs de cette distanciation.  

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