Qatar et football : où est le problème ?

Hasni Abidi, directeur du Centre d’Etudes et de Recherche sur le Monde Arabe et Méditerranéen, à Genève, était l’invité des Enjeux internationaux de France Culture, ce matin 21/11 à 6 h 45. Ceux qui se lèvent tard peuvent l’écouter sur le site de la chaine.

Il précise ce que nous savons tous,  plus ou moins : le Qatar,  tout petit pays de moins de trois millions d’habitants que personne ne connaissait il y a trente ans… enfin, presque personne : l’émir avait prêté son château – oui, il avait un château, non, pas en Espagne, un vrai, en Suisse – pour les négociations des accords de Genève conclus en 1962 entre la France et le FLN…

Où en étais-je ? Ah, oui, le Qatar, disais-je… ou plutôt dit-il…  a acquis une belle influence internationale, notamment dans les instances, mondiale (FIFA) et européenne (UEFA), du football – certains laissent entendre qu’il y aurait un lien avec sa désignation pour organiser la coupe du monde… ça, c’est moi qui l’ajoute, non sans quelque perfidie – , mais aussi au sein des Hauts-Commissariats des Droits de l’Homme et de l’Aide aux Réfugiés – que veulent dire ces sourires ? C’est moi qui pose la question, toujours non sans quelque perfidie…

 Où en étais-je ? Ah, oui, l’influence. Elle a été et est toujours acquise au moyen du carnet de chèques, vieille expression – elle désignait au siècle passé des bouts de papier sur lesquels étaient inscrits avec des plumes en or dans certains lieux discrets un nombre – de 1 à 9 – suivi de beaucoup de zéros – devenue métaphorique pour des raisons de transparence.

Vous voulez des exemples ?

Le journaliste et son invité vous en donnent deux : 20 millions de dollars donnés pour la rénovation de la principale salle de réunion du palais des congrès de l’ONU à Genève, et 25 millions d’euros à l’Organisation Internationale du Travail qui avait d’abord publié en 2014 un document (nettement tendancieux, ça, c’est moi qui l’ajoute pour bien dire que non mais quand même !) sur le travail forcé (non mais franchement ! c’est toujours moi, pour la même raison) à l’occasion des premiers travaux pour la coupe du monde.

Maintenant, j’en viens à l’essentiel : où est le problème  ? Oui, puisque certains parlent de boycott et de morale pour dire ne pas regarder les matchs de la coupe du monde à la télé.  

D’accord, le football n’est pas la première activité du Qatar (c’est plutôt le gaz naturel liquéfié et le pétrole), d’accord, c’est une monarchie absolue dont la loi est fondée sur la charia – on a connu ça, nous aussi, même si charia n’était pas le terme utilisé, et on dit même aux enfants  des écoles que c’était le Roi Soleil… oui, non, c’est juste pour dire –  mais, si on est de bonne foi (hum…), on observera que les hommes de la haute classe qatarie  portent une longue robe blanche qui couvre tout le corps jusqu’aux chevilles et ils ont la tête couverte par une coiffe, ce qui, oui, vous alliez le dire, relativise quand même beaucoup les contraintes vestimentaires auxquelles sont soumises les femmes ! Et puis, on a beau dire, les femmes ne sont que des femmes, alors que les hommes, non.

Je repose la question : où est le problème ?

Les conditions de travail des immigrés ? Les morts ?

Là, la distanciation qu’exige l’humour devient très difficile.

Il faudrait opposer à cette situation dramatique, les si bonnes conditions dans lesquelles travaillent nos immigrés à nous, ou encore, celle des ouvriers qui taillent et cousent pour nous au Pakistan et au Bangladesh et ailleurs. Oui… aller jusqu’à opposer le travail à l’extérieur dans l’été qatari au travail à l’intérieur… L’humour peut aller jusque-là, oui, quand il est destiné à ceux qui partagent le même refus de résignation. Une manière de canaliser la colère.

N’empêche, ici, où la densité de capitalisme s’apparente à la masse critique de matière fissile, tout prend un aspect surréel.

Par exemple, mais là, c’est au niveau de la pâquerette, quand notre président dit qu’il n’ira au Qatar que si l’équipe de France parvient aux demi-finales.

C’est ce que certains esprits perfides appellent une morale à géométrie variable. Ou encore, mais seulement ceux qui n’ont pas la fibre patriotique, une tartufferie. Et on est dans l’euphémisme.

Alors, sérieusement – encore que l’humour soit une forme de sérieux –  où est le problème ?

Le problème, c’est que le football est un jeu. Qu’il est pratiqué sur toute la planète. Que les enfants y jouent, partout, dans les cours des écoles, dans la rue, même dans les lieux de misère, pieds nus.

Et que, visiblement, ce n’est pas un jeu d’argent.

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