La fugue BWV 578 de J-S Bach (2)

Il ne s’agit pas d’ « expliquer » toute la partition (5 feuilles A4. Vous pouvez la trouver intégralement sur Internet en tapant : partition fugue 578 et en ouvrant le premier site musopen.org), mais plutôt tenter de repérer l’essentiel, dont je pense qu’il est possible de déceler le principe dans les 5 premières mesures* :

*Une mesure est constituée par un ensemble de notes – délimité par une barre verticale –  correspondant au rythme choisi : ici, 4 temps (ce qu’indique le C), chaque temps étant représenté par une noire, ou deux croches, ou quatre doubles croches. Donc, pour cette partition, une mesure = 4 noires ou 8 croches ou 16 doubles croches, avec toutes les combinaisons possibles.

Même si vous ne savez pas lire la musique, il vous est possible de repérer les hauteurs différentes.

Le thème (air, mélodie) de la fugue est longuement développé par la main droite (portée du haut) dans ces cinq premières mesures, soit 48 notes (noires, croches et doubles croches).

En voici l’architecture :

1ère mesure : la première note est le sol (celle de la gamme choisie par Bach), la seconde est le  et la troisième le si bémol (qui donne la tonalité mineure).  

> donc : sol, ré, si bémol, un triangle, non isocèle, dont le est le sommet.

Jusqu’à la fin de l’exposé du thème (5ème mesure) est la note la plus élevée (à l’exception de la toute dernière) et la plus basse : autrement dit le thème est contenu dans une octave (8 notes), un espace clos dans lequel il évolue.

Le si bémol est une noire dite « pointée », c’est-à-dire qu’elle compte pour 1 temps et demi : il marque ainsi un léger arrêt/ralentissement, accentué de surcroît par un « pincé » ou « mordant inférieur » [= battement si la si très rapide, très souvent utilisé par Bach. Cf. le la sol la commençant la célèbre toccata en ré mineur] indiqué par le petit signe dessiné entre des parenthèses au-dessus de la note.]

La quatrième note de cette 1ère mesure sera donc une croche (= sol noire (1) + noire (1) + si bémol noire pointée (1 ½) +  la croche (½) = 4) : elle met rétrospectivement en valeur les trois premières (le triangle) qui lancent le thème de la fugue.

Le léger arrêt sur le si bémol, crée une insatisfaction, qui appelle et fait désirer la suite, jusqu’à ce que j’appelle un basculement.

Pour mieux faire comprendre ce que j’entends par ce mot, je vous invite  à ce petit jeu d’imagination : vous cherchez à atteindre un « sommet » (peu importe sa nature), vous avancez pas à pas, voilà, vous y êtes presque, encore un peu et vous êtes au moment où vous découvrez qu’il manque juste un tout dernier petit pas pour y parvenir : ce dernier petit pas est le plus important, non dans son accomplissement matériel, mais dans le « jubilatoire par anticipation », en ce sens qu’il est juste avant : il est celui sans lequel, le basculement  ne peut pas se produire. Vous l’accomplissez, et là, d’un coup, vous vous trouvez dans une configuration autre. Tout dépend de la nature du sommet.

C’est ce qui va se passer à la fin de la cinquième mesure d’énoncé du thème de la fugue, énoncé que joue la main droite seule, à savoir la ligne mélodique de 48 notes, sans indication harmonique particulière, qui laisse donc l’auditeur libre d’imaginer des accords (mineurs ou majeurs) pour les accompagner (comme pour n’importe quel air).

Le la (croche) qui termine la 1ère mesure conduit aussitôt…

> dans la 2ème mesure (sol, si bémol, la, sol, fa dièse, la, ré) : le final (noire, alors que les 6 précédentes sont des croches) est situé – comme je l’ai indiqué –  une octave (8 notes) plus bas que le de la première mesure (le sommet du triangle). Outre la hauteur, la différence entre les deux est de l’ordre de la tonalité : celle du premier est indiscutablement mineure (indiquée par le si bémol), celle du second, précédé par un fa dièse (caractéristique de la gamme de ré majeur) qui augmente d’un demi-ton, sonne donc plutôt « majeur », d’autant plus le si bémol qui précède peut lui aussi entrer dans l’accord de mi bémol majeur.

> Donc après les 6 croches qui dessinent une onde de faible amplitude,  le (noire) marque à son tour un léger arrêt/ralentissement.

> dans les 3ème et 4ème mesures, ce inférieur sert de point de référence et d’appui : il sera 6 fois répété par le pouce alors que l’annulaire et l’auriculaire jouent des  trilogies (deux doubles croches + croche) jusqu’à retrouver, à la fin de la 4ème mesure, le  supérieur du départ avant de redescendre…

> dans la 5ème mesure au ré inférieur, pour une montée progressive jusqu’à retrouver une nouvelle fois, ce ré supérieur (avant-dernière note)… et c’est alors que se construit ce que je pense être la clef principale de la fugue : 4 paquets de 4 doubles croches qui commencent (2 premiers paquets) par dessiner une onde d’amplitude analogue à celle de la mesure 2 (avec le fa dièse), avant d’entreprendre (3ème et 4ème paquets) la montée jusqu’au dernier petit pas du basculement.

Un « petit pas » inattendu : la dernière note de la mesure est en effet un mi « anormal » ici, dans le sens où il « devrait » être bémol, comme il l’est normalement dans la gamme de sol mineur (il est du reste noté en début de portée avec le si bémol, les deux altérations de cette gamme). Le mi est « bécarre » (terme technique, dont le logo ressemble à une chaise à laquelle il manquerait un pied, indiquant qu’une note a perdu son altération, dièse ou bémol), autrement dit, il sonne un demi-ton  au-dessus du bémol « normal », et c’est lui qui provoque ce que j’appelle le basculement, en l’occurrence dans la tonalité de ré mineur.

En résumé : la main droite finit de développer le thème par une montée qui va dépasser le ré supérieur premier (celui du triangle initial) puis le mi bémol qui doit normalement le suivre dans la gamme, pour atteindre, un demi-ton plus haut, le mi bécarre qui fait basculer dans la tonalité nouvelle de ré mineur.

A partir de là  (6ème mesure), la  main gauche commence à jouer à son tour le thème dans cette tonalité nouvelle (dans la gamme de ré mineur, le ré sonne différemment de celui de la gamme de sol mineur ), alors que la main droite développe (avec de brefs moments de tonalité majeure, en la, notamment) une ornementation de quatre notes (Mozart l’utilisera dans ses sonates pour l’accompagnement joué par la main gauche), jusqu’à (11ème mesure) avant de basculer à nouveau dans une nouvelle tonalité (do mineur).

Autrement dit, une succession de basculements de tonalités – plus loin, le thème sera repris en fa majeur – jusqu’à l’accord final, lumineux, éclatant, en sol majeur, répondant au sol mineur du début.

Si le changement de tonalité est fréquent, il est remarquable ici, à mon sens, parce qu’il intervient après un assez long développement du thème dans un espace délimité par les deux et qui peut créer l’impression qu’il est fini.

Reste à définir maintenant de quel basculement il s’agit.

                                                          ***

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