Angela Hewitt et les Variations Goldberg

Sur Arte.tv est disponible jusqu’au 15 février 2021 l’interprétation des Variations Goldberg (composées vers 1740 par Bach pour un clavecin à deux claviers) de la pianiste canadienne Angela Hewitt.  

L’enregistrement – sans public – a eu lieu dans l’église Saint-Thomas de Leipzig  où elle a reçu la médaille Bach que la ville  décerne chaque année  à un interprète du compositeur.

Il est une excellente illustration de la problématique de la musique : un dialogue entre les deux composants (corps et esprit) de ce que nous sommes.

Le piano exige à la fois une force (percussion – verticalité) et une agilité (virtuosité – horizontalité)  dont la combinaison est en soi un mode d’expression de cette dualité.

On peut, dans une première approche, considérer que la main droite, qui évolue sur la moitié supérieure (les aigus) du clavier, est, dans la mesure où elle dit le « chant de la tête », plutôt l’outil du spirituel,  alors que la gauche qui évolue sur la moitié inférieure (les graves) et qui dit la « résonance organique», est plutôt l’outil du corporel. L’orchestre symphonique, dans la diversité de ses instruments, en est une illustration plus manifeste.

La distinction n’est évidemment jamais aussi simple. Mais il suffit de voir le sourire de l’interprète dans le lancement du chant des variations les plus spirituelles, comme la 13ème, comparée par exemple à la  5ème (à la 12ème minute) au début de laquelle le « chant d’échos »  est donné par la main gauche qui va et vient au-dessus la droite comme pour lui dire « je suis là », avant que les deux ne se rejoignent dans une union retrouvée, techniquement éblouissante – certaines des variations, dont celle-ci, écrites pour les deux claviers du clavecin, demandent une grande virtuosité pour l’interprétation pianistique.

La spécificité de cette œuvre tient à mon sens à ce qu’elle est –  outre la combinaison du spirituel et du corporel dans le jeu dont le visage et les mains de l’interprète sont la partie la plus visible –  le discours-même de cette combinaison, l’acte et l’idée de l’acte : ce que dit, donne à voir et à entendre cette œuvre, plus généralement l’œuvre entière de Bach, c’est l’imbrication du spirituel et du corporel.

De ce point de vue, sa musique n’est pas une musique de transcendance religieuse –  elle n’est pas, malgré l’apparence, destinée à la liturgie –  mais d’immanence.

C’est en tout cas une explication possible de la manière dont elle a été reçue après la disparition du compositeur, du caractère universel qu’elle a pris ensuite et qu’elle a, peut-être plus encore, aujourd’hui.

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