Le discours centrifuge

Fabian Scheidler, auteur et dramaturge allemand vient de publier « La fin de la mégamachine »(Seuil). Il était l’invité de la Grande table des idées (France Culture le  8.10.2020)

Son discours met en évidence les dysfonctionnements de la civilisation occidentale : inégalités, paroxysme de la violence et des capacités de destruction… 

Il s’appuie sur le constat suivant : « La mégamachine [néologisme créé par Lewis Mumford – 1895-1990 pour désigner le fonctionnement du capitalisme] a été basée dès son début il y a 500 ans sur la séparation du monde entre les pauvres et les riches. »

Le début est l’époque des explorateurs (Christophe Colomb, en particulier).

L’expression « basée sur » est censée décrire un mécanisme : les explorateurs, explique F. Scheidler, ont emprunté de l’argent  (aux financiers italiens de Gênes et de Venise) et ont ensuite pillé les territoires découverts pour les rembourser ; c’est cela qui a mis en route la mégamachine.

Il suffit de lire la biographie de C. Colomb pour constater que ce n’est pas exact.

Maintenant,  quelle réalité décrit l’expression  « basée sur la séparation du monde entre les pauvres et les riches » ?  Existerait-il dans le monde la classe des riches et la classe des pauvres ? Mais les critères qui définissent la richesse et la pauvreté sont relatifs, et le riche ici peut être le pauvre là, et réciproquement.

Ou alors cette discrimination (riche/pauvre) est-elle dans la tête des hommes ? Mais d’où viendrait l’idée de cette  discrimination et quand a-t-elle commencé ?

Corollaire : suffirait-il de supprimer cette discrimination pour arrêter la mégamachine ? Comment la supprimer ?

Bref, si la mise en cause est fondée, l’explication ne l’est pas. Les hum, hum répétés de la journaliste en témoignent.

Quand même, admettons que tout cela soit juste.

Et après ?

Etant donné qu’on ne peut pas rembobiner le film de l’histoire pour le tourner autrement, à quoi nous servent, aujourd’hui, cette mise en lumière d’un processus né il y a cinq cents ans et la mise en cause de la supériorité auto-proclamée de la civilisation occidentale ?

Réponse : F. Scheidler s’appuie sur ce qu’il avance pour rejeter ce qu’il appelle « l’explication linéaire de l’histoire », parce que, dit-il, «  chaque effet a des causes multiples. »

Seulement, voilà : la multiplicité des causes n’a pas à pas à voir avec la linéarité, mais avec le simplisme.

Le contraire de la linéarité, c’est la dialectique, c’est-à-dire la résolution des contradictions. (cf. article > Hegel et Marx)

Autrement dit, F. Scheidler, comme bien d’autres invités de France Culture (entre autres), présente le capitalisme comme une structure extrinsèque de l’homme (elle ne lui est pas propre), et qui viendrait donc s’imposer… au 16ème siècle : une théorie surprenante censée créer un débat mais qui excentre le problème en évitant la question des origines.

L’intention est claire : démythifier la civilisation occidentale.

L’entreprise, évidemment nécessaire, ne peut être utile que si elle se situe en-dehors du discours de repentance, religieuse ou morale, qui, faute de proposer une analyse, donne bonne conscience.

Au bout du compte, la démesure dans l’apologie (dont D. Trump est l’expression à la fois la plus caricaturale et la plus inquiétante) ou l’inadéquation dans la condamnation font du capitalisme une transcendance et le rendent encore plus invulnérable.

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