« La laïcité, c’est le ciment de la France unie. Si la spiritualité relève du domaine de chacun, la laïcité est notre affaire à tous. Si la spiritualité relève du domaine de chacun, la laïcité est notre affaire à tous. (…)
Ce à quoi nous devons nous attaquer, c’est le séparatisme islamiste. (…)
Et il y a dans cet islamisme radical, puisque c’est le cœur du sujet, abordons-le et nommons-le, une volonté revendiquée, affichée, une organisation méthodique pour contrevenir aux lois de la République et créer un ordre parallèle, ériger d’autres valeurs (…) L’islam est une religion qui vit une crise, aujourd’hui, partout dans le monde.» (E. Macron – 2 octobre 2020)
L’analyse du chef de l’Etat ne concerne qu’un mode d’expression de la question majeure qu’il ne fait qu’effleurer.
Le mode, c’est le phénomène religieux, en l’occurrence celui de l’islam, sous la forme de ce qu’on appelle islamisation, à savoir une volonté de pouvoir non sur les seuls croyants, mais sur l’ensemble de la société.
C’est la visée de toute religion soit en tant que détenteur du pouvoir politique soit en tant que soutien idéologique.
La « religion » est en effet d’ordre social : elle lie (sens du latin religio) dans une structure et des rites ceux qui partagent la même croyance fondamentale, avec des variantes dont les conséquences ont été et sont encore meurtrières (catholiques<> protestants – chiites<> sunnites).
La frontière entre la structure religieuse proprement dite et la structure civile est fragile. La religion ne peut pas renoncer à intervenir dans la sphère civile parce qu’elle a pour mission de promouvoir des « valeurs » d’essence divine, donc absolument vraies.
Vu sous cet angle, il n’y a qu’une différence de degré (et elle est évidemment considérable) entre les déclarations de l’église catholique concernant la contraception (la condamnation en un temps pas très éloigné de l’utilisation de la pilule, par exemple), ses protestations contre la loi autorisant l’IVG, les processions organisées contre le projet de « mariage pour tous »… et les attentats islamistes.
Le champ de violence varie selon le rapport de forces entre savoir et croire, tant dans la collectivité que chez les individus eux-mêmes.
Et ce rapport est en grande partie déterminé par celui que les collectivités et les individus construisent avec la peur essentielle, en d’autres termes par la perspective du bonheur de vivre dans l’ici-bas plutôt que dans l’au-delà.
Les Lumières (18ème siècle) filles du cartésianisme, pour l’exercice la raison, puis l’horizon d’un socialisme/communisme possible (19ème et 20ème siècles) pour l’apaisement des rapports sociaux, permettent de comprendre comment la société civile a progressivement écarté l’église du pouvoir et comment est né ce qu’on appelle (en France) la laïcité.
La décision annoncée par E. Macron de rendre obligatoire, dès trois ans, non plus seulement l’instruction mais l’école, si elle « va dans le bon sens » comme on dit (elle signifie à l’enfant que l’apprentissage du savoir ressortit à la société), ne fait qu’effleurer le problème de fond : relativement à la peur essentielle qu’alimente, dans les sociétés occidentales déboussolées (crises économique, climatique, sanitaire…) et plus encore dans un Moyen-Orient chaotique, l’absence de perspectives de bonheur ici-bas et l’obsolescence de la croyance au bonheur dans l’au-delà, l’institution scolaire tient le discours du déni, du non-savoir qui est encore dominant dans la collectivité et chez des individus. En témoigne l’existence de l’école privée, confessionnelle, de moins en moins appelée « libre », mais non encore contestée dans son principe.
Le diagnostic d’E. Macron est à la mesure du déni. Ce n’est pas l’islam qui est en crise. Ce sont les sociétés désormais sans perspectives d’ici-bas et d’au-delà. L’islamisme n’est qu’un symptôme, l’arbre qui cache la forêt du désarroi manifesté, sous d’autres formes, par le nationalisme et l’idéologie d’extrême-droite.