*Rappel :
-GFM : Grammaire française « ministérielle » (sur Internet)
– GEQ : La grammaire en questions – titre d’un essai de l’auteur du blog.
GFM niveau II -p.136 : « La modalisation consiste en l’expression de l’attitude du locuteur sur son propos (…) Cette notion d’emploi modal ne doit pas être confondue avec la notion de mode. Les temps du français sont regroupés en catégories nommées modes : aux modes non personnels (infinitif, participe) s’opposent les modes personnels, parmi lesquels sont distingués des modes personnels mais non temporels (subjonctif et impératif) et un mode personnel et temporel (indicatif) »
Question : le mode subjonctif n’ayant « que des valeurs modales, c’est-à-dire exprimant l’attitude sur son propos, sa subjectivité (souhait, regret, doute, etc.) » p. 147 ) [id. pour l’impératif] la modalisation ne peut donc concerner que le mode indicatif. Alors pourquoi ne pas se contenter de cette indication ? Pourquoi ne pas dire : seuls les temps du mode indicatif peuvent prendre en plus de la temporalité une valeur modale ? Sans doute parce que le conditionnel servant à tout autre chose qu’à décrire le réel, il serait difficile de justifier la décision de le supprimer et de le rattacher à l’indicatif qui, lui, sert précisément à le décrire (avec toutes les nuances précisées dans les articles précédents), et parce que son emploi est essentiellement de modalisation, y compris quand il indique un futur du passé.
Autre question : pourquoi parler d’opposition entre les modes personnels et non personnels ?
Proposition de GEQ : « Il serait plus pertinent de dire qu’indicatif, subjonctif, impératif et conditionnel sont des modalisations. Modalisation est un terme de linguistique qui définit précisément les rapports entre l’émetteur et ce dont il parle, et il conviendrait donc pour définir ces quatre rapports possibles. Mode pourrait être réservé aux trois autres, infinitif, participe et gérondif ; il garderait ainsi son sens premier de manière, à savoir : manière d’utiliser le verbe sans le conjuguer, la conjugaison concernant les quatre modalisations. »
Je précise : ces distinctions, qui ne marquent pas une opposition, demandent à être appuyées sur une explication du sens que peut avoir le langage, ce qui présuppose un travail sur le rapport objectivité/subjectivité – notamment pour l’indicatif (cf. articles précédents) – qui aide à comprendre que modalisation (pour les quatre modes personnels) met l’accent sur le « jeu » entre ces deux réalités – alors que modes (pour les trois impersonnels) désigne seulement des formes qui, par elles-mêmes, ne sont pas chargées de cette problématique : infinitif (in-fini = non borné, non délimité) étant la forme qui donne au verbe son sens le plus large = non réduit par la personne, le nombre ou le temps), participe (latin pars = partie, capere = prendre => prendre part : un homme averti en vaut deux) donnant une information qui « prend part » à celle du verbe conjugué, gérondif (latin gérer = faire, accomplir) donnant une information associée (circonstancielle) au verbe conjugué (Le matin, je me rase en rêvant d’être président de la République, disait quelqu’un qui, le rêve réalisé, tint un discours de haute volée laïque dans la basilique romaine du Latran et de volée culturelle non moins élevée sur le rapport entre La Princesse de Clèves et un concours administratif – l’exemple n’est pas repris dans la GFM).
Voilà. Il y aurait (conditionnel présent avec sa valeur modale) beaucoup d’autres remarques à faire qui risqueraient (id) de lasser le lecteur par leur côté répétitif puisque ce qui oppose – c’est le terme adéquat – GFM et GEQ est une conception du discours d’enseignement, autrement dit une philosophie de l’enseignement.
Celui de GFM ressemble comme deux gouttes d’eau à ceux de certains des professeurs d’université que j’ai connus qui « fonctionnaient » dans leur monde savant déconnecté du sens des œuvres qu’ils expliquaient, avec pour résultat l’ennui, la désertion des amphis ou le chahut.
Ils éprouvaient pourtant une grande jouissance à montrer qu’ils connaissaient tout ce qu’il est possible de connaître par la fouille d’archives, par exemple le nom du fermier qui engraissa l’oie d’où fut arrachée la plume qui servit à Molière pour écrire Don Juan. Ce qu’ils avaient oublié, c’est qu’il l’avait écrit pour dire quelque chose, de sorte que la quête du détail était déterminée par la quête non du sens mais d’elle-même.
GFM a donc une tête bien pleine de choses savantes qui sont données, ici et là, notamment dans les annexes intitulées « histoire de la langue » et « pour aller plus loin ».
Comme le conseille Montaigne sur le choix du précepteur pour un enfant, une tête bien faite est préférable, surtout s’il s’agit d’enseigner comment l’on parle ou l’on écrit, autrement dit d’expliquer que le langage n’est pas le produit de spécialistes mais des hommes vivant en société.