La grammaire française telle qu’elle est enseignée aux professeurs par le ministère de l’Education nationale (9)

*Rappel :

-GFM : Grammaire française « ministérielle » (sur Internet)

– GEQ : La grammaire en questions – titre d’un essai de l’auteur du blog.

Dernières étiquettes : proposition principale, proposition subordonnée, proposition indépendante.

Principale indiquant que la proposition ainsi qualifiée est plus importante que la ou les subordonnées, on dira que si « J’ouvre mon parapluie » est principale et « parce qu’il pleut » subordonnée, c’est parce que c’est principalement pour annoncer l’ouverture du parapluie que j’ai écrit cette phrase.  Dans quelle mesure ce type d’analyse rend-elle compte du sens (cf. article précédent), autrement dit à quoi sert d’établir une telle hiérarchie dans les informations ?

Voici les deux premières strophes du Bateau ivre un poème que Rimbaud (1854-1891) composa avant son départ pour Paris en 1871. Il est écrit à la première personne,  celle du bateau fluvial de commerce jeté dans l’aventure de l’océan après sa libération des amarres physiques et sociales.

1 Comme je descendais des Fleuves impassibles,

2 Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :

3 Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,

4 Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

5 J’étais insoucieux de tous les équipages,

6 Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.

7 Quand avec les haleurs ont fini ces tapages

8 Les Fleuves m’ont laissé descendre où je voulais.

La première strophe est constituée de deux phrases : la première,  (1-2), composée d’une subordonnée (1) et d’une principale (2), est dite « complexe », la seconde  (3-4), d’une seule proposition indépendante, est dite « simple ».

(1) L’imparfait et le rythme régulier, sans heurts – importance des -e prononcés => comme,  Fleuves – signifient à la fois la durée, l’habitude, la répétition, la lenteur, la monotonie (subordonnée)- rapport de temps avec (2)

(2) Le passé-simple et le rythme plus marqué (nette distinction des syllabes) indiquent l’événement, soulignent la rupture soudaine d’un temps linéaire  (principale).  

(3) Une principale qui révèle la cause, bruyante et coloriée, du (2).

(4) N’est pas une proposition (ayant cloué n’a pas de sujet propre) mais une apposition au sujet Peaux-Rouges et indique un rapport de temps/conséquence avec(3).

La deuxième strophe est composée de deux phrases : la première (5 et 6), une seule proposition indépendante est « simple » , la seconde (7 et 8), quatre propositions, est « complexe » : une subordonnée (temps), « quand avec les haleurs ont fini ces tapages » une principale contenant une infinitive (Les fleuves m’ont laissé descendre me est sujet de descendre) et une subordonnée (lieu) « où je voulais ».

La première phrase (5 et 6) précise par la fonction économique et sociale et souligne par le rythme lent sans heurts (diérèse : souc-i-eux / liaisons => flamands-ou, cotons-an) le sens du (1) de la première strophe, la seconde (7 et 8) rappelle par les rythmes contrastés,  (7) le rythme et le sens de (3),  (8) le rythme et le sens de (4).

A quelle nécessité de sens répondent la distinction complexe/simple et la hiérarchie principale/subordonnée – indépendante ?  La définition des rapports n’a besoin ni de l’une ni de l’autre (cf. le 3 « principal » est dans un rapport de cause avec le (2) qui n’est pas dans la même phrase).

Est-ce qu’évacuer ces distinctions fait courir le risque d’une perte de repères, de déstructuration, pour la pensée ?

Ce que m’a appris mon expérience – aussi bien dans les lycées qu’à l’hôpital – est précisément le contraire.  Choisir de privilégier l’identification de la structure formelle conduit à l’oubli du sens (la sémantique) et à faire de l’analyse grammaticale un exercice artificiel, ce qui a pour effet de susciter l’aversion scolaire pour cet apprentissage.

GFM (niveau II – p.90) « Lorsque la fonction circonstancielle est reconnue comme telle dans la structure de la phrase, différents types de compléments circonstanciels peuvent être distingués selon leur sens. Cette identification sémantique du complément circonstanciel reste secondaire, pour l’analyse grammaticale de la phrase, par rapport à l’identification syntaxique de la fonction circonstancielle. [c’est moi qui souligne]. Le tableau suivant récapitule les types les plus courants de compléments circonstanciels, selon leur valeur sémantique et leur nature.

Ce parti pris est une négation de la dimension globale du langage écrit ou parlé, de l’indissociable l’unité que constituent le signifiant ( le mot) et le signifié (sa ou ses significations), bref l’appauvrissement d’une expression majeure du vivant.

*Avant d’aborder la problématique des modes dans l’utilisation des verbes, j’examinerai la notion de « concession » telle qu’elle n’est pas définie par GFM.

(à suivre)

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :