Agnès Buzyn et l’aide active à mourir… + ajout

Agnès Buzyn fut ministre de la santé entre 2017 et 2020.

Le Monde (17/03/2023 – p.12) reproduit son interview sous le titre : « L’aide à mourir est un débat entre bien-portants ». L’ex-ministre de la santé Agnès Buzyn alerte sur les risques de dérives de l’euthanasie ou du suicide assisté. »

Extraits : « Si je m’exprime aujourd’hui, c’est à travers ma pratique professionnelle. (…) J’ai malheureusement vu des centaines de personnes en fin de vie. Je n’ai pas le souvenir de malades qui m’aient demandé à mourir. (…) J’ai progressivement acquis la conviction que cette question de la liberté de la mort se pose essentiellement quand on n’est pas en face de la mort. Elle survient quand on est encore en bonne santé (…) Le débat sur l’aide active à mourir est, à mes yeux, d’abord un débat entre personnes bien portantes. [La loi Claeys-Leonetti] est insuffisamment appliquée faute de soignants assez nombreux en capacité de la mettre en œuvre [Elle évoque les maladies les plus dégradantes] Il y a une ouverture à avoir pour que ceux qui souffrent de ces maladies puissent ne pas être condamnés à être progressivement totalement handicapés, enfermés dans leur corps. Les obliger à endurer cette torture sur un temps long peut être insupportable. Comment autorise-t-on ces personnes qui ne veulent pas vivre ce cauchemar à dire « Là, j’arrête, je n’en peux plus ! » La liberté envers et contre tout comporte le risque de faire peser sur des personnes vulnérables le poids de l’aide active à mourir.(…) Je pense que les professionnels de santé seraient davantage prêts à accepter une aide active au suicide. C’est moins pénible pour un médecin que de devoir déclencher lui-même la perfusion létale. On ne devrait pas faire peser sur les soignants le choix ultime. [Question : Est-ce le moment d’évoluer ? ] La période est délicate. Si on ajoute une mission de ce type aux médecins alors qu’ils ont déjà l’impression, faute de moyens et de temps, de ne plus pouvoir soigner et accompagner leurs patients comme avant, le message est angoissant. Cela ne veut pas dire qu’il faut rien faire. Il faut avancer. Tout est une question de nuance et de curseur. »

J’ai envoyé au Monde la réponse ci-dessous à ce qui me paraît un discours teinté de mauvaise foi (cf. L’invocation de « La liberté envers et contre tout ») et contourné, sans parler de l’aplomb à utiliser l’argument du « manque de moyens » des médecins par celle qui, en tant que ministre de la santé, a appliqué une politique de restrictions dénoncée par l’ensemble des personnels soignants.

Ma réponse :  

Le premier argument de l’ancienne ministre de la santé est celui de son expérience de médecin (« Je n’ai pas le souvenir de malades qui m’aient demandé à mourir ») que renchérit l’affirmation « Le débat sur l’aide active à mourir est, à mes yeux, un débat entre personnes bien portantes. » On trouvera sans difficulté d’autres expériences qui souligneront la valeur toute relative de la sienne et d’autres philosophes qui lui rappelleront que la justesse de la pensée est plus assurée quand l’esprit n’est pas perturbé par le problème qu’il doit traiter, ce qui explique par exemple qu’un principe de droit n’est pas débattu à chaud par ceux qu’il concerne mais à froid par des juristes.

La formulation de son indignation « Comment autorise-t-on des personnes qui ne veulent pas vivre ce cauchemar [lié aux maladies dégénératives qu’elle cite] à dire « Là, j’arrête, je n’en peux plus !  »  a ceci d’étrange qu’elle confond « supporter » et « autoriser » comme si la réponse à apporter à ces personnes devait être une interdiction de « dire ». Un lapsus qui témoigne d’autre chose que d’une méconnaissance du langage.

Quant aux « effets collatéraux » qu’elle invoque et aux problèmes de conscience que peut poser au médecin l’aide active à mourir, ils sont l’argument habituel utilisé pour esquiver les deux questions premières et essentielles qui en déterminent la perception, à savoir la reconnaissance du droit pour le sujet de disposer de sa vie et la problématique du choix qui implique nécessairement un renoncement.

Madame Buzyn n’aborde ni l’une ni l’autre, sans doute parce que les aborder revient à constater qu’il ne s’agit ni d’imposer ni d’interdire, comme le fait la loi actuelle,  mais d’élargir le champ de la responsabilité et de la liberté.

Enfin, l’affirmation que les difficultés rencontrées par les médecins pour accompagner les malades seraient une « impression » surprend d’autant plus que madame Buzyn a été ministre de la santé et que la politique qu’elle a appliquée n’est peut-être pas étrangère au manque de « moyens et de temps » qu’elle invoque pour justifier l’inopportunité de mener à son terme le débat, aujourd’hui.

Ajout : La lettre des Idées du Monde (17.03.2023) publie la tribune en tous points remarquable d’un homme atteint de la maladie de Parkinson, qui apporte un démenti à l’affirmation de madame Buzyn « Le débat sur l’aide active à mourir est, à mes yeux, un débat entre personnes bien portantes« .

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :