Procès d’une djihadiste

A la Une du Monde (04/03/2023) : « Amandine Le Coz, une convertie de 32 ans, a été condamnée vendredi à dix ans de prison pour avoir rejoint les rangs de l’organisation Etat islamique. Très immature, cette jeune femme radicalisée a elle-même été victime de la violence de son mari et de la guerre en Syrie. »

Extraits de l’article :

« Coupable d’association de malfaiteurs terroriste, Amandine Le Coz a elle-même été la victime de ses choix, de la brutalité de son époux djihadiste qui la battait « jusqu’au sang », du bombardement de son immeuble à Raqqa dans lequel elle a été blessée, et du calvaire des camps kurdes, hantés par la violence, la famine, la mort. (…) Amandine Le Coz l’a répété durant tout son procès : elle se trouve « bête ». Depuis le box vitré, elle dit aussi sa « honte » que son histoire se retrouve dans les journaux. Sa fragilité remonte à loin, aux grandes difficultés qu’elle a rencontrées dès l’école primaire, puis à sa scolarisation dans une classe spécialisée Section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa) dont elle avait « honte », déjà, étant enfant. En grandissant, elle s’est cherchée, elle a été « gothique », puis elle a fait la fête, a beaucoup bu, s’est droguée aussi. Et puis un jour, à l’âge de 23 ans, elle a décidé de se convertir et de porter le voile. (…) Quand ils découvrent qu’Amandine porte le voile hors du domicile familial, le père, athée, et la mère, chrétienne non pratiquante, mettent leur fille à la porte. « Cette religion faisait peur, on n’aimait pas voir les femmes habillées tout en noir. On s’est braqués, on l’a mise dehors en lui disant qu’il fallait qu’elle fasse un choix », dit Daniel, le père. »

Quelques réactions

« Si on comprend bien, c’est elle la victime ? »

« Elle aurait pu être une gentille gilet jaune une gentille zadiste. Bref une vraie nouille dangereuse »

« L’empathie quasiment énamourée de l’autrice de l’article comme d’ailleurs son précédent sur Douha Munib confirme l’étrange tendance depuis quelques temps des portraits de femme par des journalistes femmes à se transformer en hagiographies sulpiciennes. »

« Beaucoup de tristesse à la lecture de cet article. Cette femme avait juste besoin d’être aidée et se sentir utile et aimée. Comme tout un chacun.
Et une question : comment notre société peut-elle créer pareille situation ?
 »

« Des gens idiots qui abandonnent leur enfant parce qu’il est gay, délinquant ou drogué j’en ai croisé un paquet dans ma vie. Ça a toujours très mal fini (suicide, prison, asile, clochardisation). Je ne comprends pas comment on peut détruire la vie de son enfant sans être inquiété ? »

Ma réponse à cette contribution :

« Détruire la vie de son enfant ». Quelle maîtrise avons-nous du « discours » que nous tenons à nos enfants, dès leur conception, et quelle conscience exacte avons-nous de sa pertinence ? Hors le registre pathologique de la perversion – et cela demanderait des précisions – les parents ne décident pas la « destruction » de leur enfant. Ils « font avec » les moyens culturels qu’ils ont acquis ici et là, souvent de manière aléatoire . S’il existe une formation institutionnalisée – relativement récente et non systématique – des futurs parents pour l’accouchement, il n’en existe pas d’ « apprentissage parent », comme si écouter, comprendre un enfant et lui répondre allait de soi. Comme si ce qu’est l’enfant était d’une évidence telle qu’il suffise d’en faire un – ce n’est pas très difficile – et qu’il soit désiré – ce qui l’est moins – pour disposer de ce savoir. Ensuite, il y a le monde et ses problèmes. La responsabilité des uns et des autres fait partie de cette problématique.

                                                                <>

Ma contribution – la même problématique que je ne cesse de répéter… dans l’hypothèse que la répétition – elle serait un outil d’apprentissage, et puis il y a de nouveaux lecteurs, et puis… bon, voilà  –  finit par laisser quelques traces.

Un exemple éclairant et pathétique d’un processus d’enchainement de catastrophes dans la vie de l’individu et du monde. En contrepoint permanent du « qui suis-je ? » de l’individu, la recherche de ce qui permet d’exister. Et au bout, la réponse à la fois sidérante et cohérente de la mort pour les autres comme solution. Ce qu’on appelle « terrorisme » – une étiquette commode qui n’explique rien – est l’expression d’une désespérance provoquée par la fin des deux « paradis », celui de l’au-delà (la croyance à la résurrection devient obsolète), celui des lendemains qui chantent mort avec l’implosion soviétique à la fin des années 80 – début du « terrorisme » – deux alternatives de compensation et de contournement au capitalisme, système aux effets délétères de plus en plus insupportables (guerres économiques et militaires, climat) et dont l’absence de solution de rechange conduit à ces actes individuels et collectifs de désespérance mortifère. Il importe de redéfinir ce qu’est notre « commun ».

Une réponse :  L’islam radical est né bien avant la chute du communisme soviétique ( révolution islamique iranienne, frères musulmans, wahhabisme saoudien ). Le capitalisme a bon dos !

Ma réponse : Je parle de ce qu’on appelle « terrorisme », de sa dimension planétaire , et non du radicalisme qui est inhérent à toutes les religions. Quant au capitalisme, il n’est pas celui de la forme qu’il a prise à partir du 18ème siècle, mais de l’équation « être = avoir + » qui détermine, et depuis notre origine, le rapport que nous construisons avec l’objet (ce qui n’est pas nous) et conditionne le rapport production/consommation, notamment le besoin d’accumulation et collection en tous genres (des boîtes d’allumettes aux capitaux en passant par les conquêtes amoureuses etc.) jusqu’à la pathologie. Ce sont des comportements de contournement liés à la spécificité de notre condition : nous savons depuis l’âge 3 ou 4 ans que nous allons mourir et nous mettons en place ces stratégies. Tel est notre « commun » essentiel qui préoccupe l’homme au moins depuis Platon (cf. La République).

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