LA CAUSE PREMIERE (3)

La thèse du point zéro – elle n’est pas explicite dans le discours de recherche scientifique – et celle du créateur contiennent la question de l’« avant » qui ne peut se résoudre que par son évacuation.

Malgré la tentative de récupération par l’église catholique, et au moment même où elle fut émise, la théorie du « big bang » (phase d’expansion rapide de l’univers) n’est pas énoncée comme une théorie du commencement que le discours scientifique laisse à la spéculation métaphysique, même s’il peut faire partie des préoccupations des chercheurs, en particulier ceux qui croient en Dieu – Georges Lemaître, l’astrophysicien inventeur du « big bang », était prêtre.

La croyance en un dieu créateur qui existe de et par lui-même et de toute éternité évacue la question de l’ « avant » dans une démarche intellectuelle qui n’est pas d’ordre chronologique, en ce sens que la question de la création n’est pas première : l’homme finit par se poser la question du commencement parce qu’il commence par se poser celle de sa fin.

Ainsi, après Zeus/Jupiter devenu peu à peu le père des hommes et des autres dieux ainsi abolis, le dieu incréé et créateur des religions monothéistes permet d’assurer l’immortalité de l’âme et, avec le fils du Dieu chrétien, la résurrection du corps. Une réponse censée procurer un apaisement et qui aboutit à une résultat tout autre parce qu’elle repose sur un déni.

La question de la cause première – la définition de son objet exact viendra plus tard – est en effet constitutive de la « conscience questionnante » spécifique de l’espèce humaine : je sais quelque chose,  je sais que je sais ce quelque chose, ce savoir devient ainsi objet de questionnement, et le premier quelque chose que je sais de manière indubitable dans un discours biologique et psychique de connaissance totale de l’être, est que moi, qui suis là et qui expérimente la vie en tant que corps et esprit, je mourrai en tant que corps et esprit.

Cette spécificité permet de comprendre l’importance du rapport permanent entre le monde tragique de la conscience réfléchie et le monde épique de la petite enfance non encore affectée par l’angoisse que crée cette spécificité : depuis l’âge de trois ou quatre ans, âge d’entrée dans le monde tragique, l’être humain vit dans la tension entre cette conscience « adulte »qui oblige sa pensée à construire sa réponse existentielle (la mort étant inévitable, qu’est-ce que « être » ?), et ce temps toujours vivace de la petite enfance, indissociable de la vie intra-utérine, où les parents suffisent à constituer la réponse.

Cette tension permanente est à l’origine des confusions entre ce qui ressortit à l’un et à l’autre de ces deux mondes, épique et tragique, confusions d’autant plus difficiles à dissiper qu’elles s’expriment de manière spectaculaire dans l’espace intermédiaire qu’est le domaine de l’art, d’autant plus ambigu que, visant le rien qu’est pour le sujet sa propre mort, il ne sert à rien.

Parmi les modes d’expression, il en est un qui n’entre pas dans la classification des arts : la philosophie.

Et si elle était un art au même titre que la littérature ?

(à suivre)

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