Journal de vacance (7 et 8 juillet 2022) 

A la recherche estivale de la vacance, trois rencontres radiodiffusées sur France Culture.

Hier, celle de deux mathématiciens lauréats de la médaille Fields : Hugo Duminil-Copin qui vient de la recevoir, et Cédric Vilani, médaillé y a douze ans,  dont le dialogue donne envie d’aimer mathématiques. Oui, on peut aimer à tout âge, mais quand on vous a dit et répété que vous étiez nul en amour de maths, difficile de larguer les amarres.  Donc, un vrai bonheur d’écouter ces deux hommes révéler la capacité humaine de construire des ponts entre le réel et l’abstraction. Par exemple, entre l’eau qui passe sur le café (ça, c’est le réel) et les équations de la porosité (ça, c’est l’abstraction). Il me semble que je me représente assez bien la problématique, ce qui est déjà beaucoup pour un handicapé du cœur mathématique. Ne m’en demandez pas plus.

Les deux autres rencontres sont nettement moins réjouissantes.

D’abord, l’historique de QAnon (Mécanique du complotisme – 19 h 00). En novembre 2016, au cours de la campagne Donald Trump <> Hillary Clinton, furent publiés des courriels censés prouver l’existence d’un réseau de pédérastie impliquant H. Clinton et les démocrates (le comportement de Bill Clinton, proche de J. Epstein, facilita la diffusion de rumeur). A l’origine, un membre de l’équipe d’H. Clinton, chargé de récolter des fonds pour la campagne électorale et des messages qu’il envoya à la pizzeria  « Cheese pizza »,  interprétée par les complotistes comme « Child Pornography » : la pizzeria était censée être un lieu où étaient séquestrés des enfants avant d’être livrés à des réseaux de prostitution et de trafic, s’ils n’étaient pas sacrifiés dans des cérémonies sataniques.  Un homme, convaincu par la rumeur,  vint, armé, dans la pizzeria, pour libérer les enfants. Il ne trouva rien… et QAnon annonça que c’était bien la preuve de la puissance de l’organisation pédocriminelle !

Il fut rappelé au cours de l’émission qu’une rumeur semblable s’était répandue en Angleterre : William, un enfant de douze ans, avait été retrouvé mort, atrocement mutilé dans une forêt près de Norwich. Les parents accusèrent les Juifs. L’affaire fut close par le shérif, mais la rumeur persista, des pèlerinages furent organisés sur la tombe de l’enfant, des miracles annoncés. Il y eut un nouveau shérif, un nouvel évêque, et quarante-cinq ans plus tard, les juifs de Londres et de Norwich furent massacrés pour venger le meurtre de William. Ces événements eurent lieu en 1144, 1189 et 1190.

Autrement dit, presque mille ans sans vacance de complotisme. Au moins.

Aujourd’hui, enfin,  la rafle du Vel-d’Hiv des 16 et17 juillet 1942 (13000 personnes arrêtées par la seule police française – avec, en guise de raffinement, la séparation des enfants, de nationalité française, de leurs parents), racontée par les invités des matins d’été, Jérôme Prieur et Laurent Joly pour leur film  Les suppliques  qui sera diffusé le lundi 11 juillet prochain sur France 3 lors d’une soirée consacrée à cet événement.  Les suppliques sont des lettres envoyées par les proches des « raflés », ces deux jours, ou en mai 1941 (les juifs avaient été convoqués dans les commissariats sous le prétexte de régularisation) notamment leurs enfants,  pour obtenir leur libération. Là, il faut s’accrocher. Entre ce que n’imaginent pas ceux qui écrivent et le réel que nous connaissons, il y a le pathétique de ces malheureux, l’immense colère contre ceux qui osèrent tuer des hommes pour ce qu’ils sont. A la lecture de la lettre de ce petit garçon de onze ans qui plaide la cause de son père malade en s’excusant de ne pas très bien s’exprimer, il faut vraiment s’accrocher. Quand je rapproche ça de la problématique QAnon et de celle des verrous qui ont sauté pour rendre audible le discours du RN, je ne sais pas très bien à quoi… Si, peut-être à ces policiers des 16 et 17 juillet qui ne voulaient pas et qui ont fait ce qu’ils ont pu pour ne pas « réussir » l’opération orchestrée par Vichy ; le nombre d’arrestations prévues était de près de quarante mille ; les deux tiers ont pu échapper à la rafle ; les autres…

 La France – c’est quoi exactement l’identité française ? –  a occulté la rafle pendant vingt ans : après la guerre et jusqu’à sa destruction en 1959, il y eut dans le Vel d’Hiv les 6 jours cyclistes (jours et nuits), des fêtes, des meetings politiques…

Cabu (assassiné le 7 janvier 2015 dans les locaux de Charlie Hebdo) raconte dans une interview diffusée dans l’émission, qu’il avait gagné un vélo à un concours de dessin. Il était allé le chercher au Vel d’Hiv, et avait assisté aux 6 jours, sans savoir à quoi avait servi le vélodrome. La commémoration nationale ne commença qu’en 1966. Entre 1944 et 1966, c’était quoi, exactement, la France ?

Demain matin, tôt, je m’accroche au guidon de mon vélo.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :