Pour la première fois depuis qu’existe l’élection du président de la République au suffrage universel (1962), le président sortant candidat à sa réélection ne fait pas ce qu’on appelle une campagne électorale. Pas de meetings, pas de débat avec ses concurrents, mais deux annonces mises en évidence [l’âge de la retraite porté à 65 ans et une exigence de contreparties pour le RSA] dont le rapport avec l’ampleur des dangers planétaires ne paraît pas évident.
La cause visible de cette particularité électorale est évidemment la guerre en Ukraine qui est et doit être la première préoccupation du premier acteur de la politique française… qui joue son rôle de manière pertinente : pour minimiser les conséquences d’une fuite en avant que pourrait précipiter l’isolement créé par le mépris (déjà expérimenté), il est important que V. Poutine ne soit pas ignoré. Si les récriminations des candidats frustrés d’affrontement direct avec le président-candidat sont de faible intensité, purement formelles et sans écho, c’est que le rituel du spectacle de la campagne habituelle serait obscène.
La cause sous-jacente plus ou moins refoulée est celle de ce qu’on appelle « fin du monde » : la guerre en Ukraine peut être la prémisse de la « troisième guerre mondiale », une expression qui hante les sociétés et les individus depuis 1950 avec cette particularité qu’elle est en même temps un incroyable confondu avec un impossible.
Si l’on peut vivre avec le virus de la covid-19, si l’on peut espérer s’adapter au changement du climat, dans les deux cas, la mort n’est ni tout à fait pour l’Europe ni tout à fait pour tout de suite.
Avec l’explosion nucléaire multiforme tous azimuts inhérente à la « troisième guerre mondiale », la mort est pour tout de suite et en Europe.
Ces peurs successives et empilées expliquent l’acceptation plus ou moins tacite d’une élection atypique dont le spectacle habituel des affrontements ne pourrait que révéler la dimension artificielle et dérisoire.
Dans ce contexte d’extrême gravité, que signifie la mise au premier plan par E. Macron du droit à la retraite porté à 65 ans et du durcissement des conditions d’obtention du Revenu de Solidarité Active ?
Le départ en retraite fait entrer dans la dernière ligne droite de la vie. Si l’on doit mourir demain, quelle importance ?
Et, en regard de l’énergie que demande la gestion de ces peurs accumulées, comment accepter une apathie qui se satisfait d’une aumône ?
Si on se rappelle les difficultés pour le président à faire accepter l’idée de la retraite à points (le virus est arrivé à point pour évacuer le problème) et celle de la traversée de la route pour trouver un emploi, il n’est pas impossible d’imaginer que la peur de la guerre soit l’outil d’une consolation sinon d’une revanche sociale et de la promotion de l’idéologie du « quand on veut on peut. »
Deux obscénités.