Définition VIII : « Par éternité j’entends l’existence elle-même en tant qu’on la conçoit comme suivant (= découlant) nécessairement de la seule définition d’une chose éternelle.»
Le retour de j’entends (intellego) annonce une nouvelle création, en l’occurrence l’éternité définie comme l’existence elle-même – celle de l’homme par exemple.
En tant que apporte une précision décisive : il s’agit de l’existence (le fait d’être) en relation avec une chose éternelle dont nous savons qu’il s’agit du Tout de la Nature.
L’idée nouvelle est l’éternité substituée à l’immortalité de la religion, et l’Explication qui suit, finit d’enfoncer le clou de la précédente : « Une telle existence est en effet conçue comme une vérité éternelle, de même que l’essence de la chose existante, et c’est pourquoi elle (l’existence) ne saurait être expliquée par la durée ou par le temps, même si l’on conçoit une durée sans commencement ni fin.»
Apparaît une autre notion nouvelle : vérité éternelle, c’est-à-dire un savoir dont la certitude réside dans son rapport avec ce qui par définition est éternel. Spinoza proposera par la suite la notion d’idée vraie, autrement dit un accord d’essence.
Cet exemple comparatif peut aider à comprendre le sens de la démarche vers l’idée vraie : lorsque, à la suite des caucus du Parti Républicain, D. Trump fut désigné comme son représentant à l’élection présidentielle, je me rappelle m’être dit qu’Hillary Clinton serait élue. Je ne fus pas le seul, pas plus que je ne fus le seul sidéré en apprenant, le 5 novembre au matin, que c’est D. Trump qui l’avait été. (id. pour la qualification de J-M Le Pen pour le second tour de la présidentielle de 2002)
Cette idée inadéquate, fausse, de l’évidence de l’élection d’ Hillary Clinton, était produite par l’affect mal géré de l’événement que constituait la désignation de D. Trump, affect qui persuadait qu’un tel homme (ce qu’il était, ce qu’il disait) ne pouvait pas être élu. Cette conviction venait non de la Raison (–> second genre de connaissance) mais d’une « passion » dans le sens premier de « qui est subi » venant de l’extérieur (–> premier genre).
L’idée vraie, dans le cadre de cette comparaison, se situerait au bout et au-delà de l‘analyse rationnelle de l’événement que constitue cette désignation, dans la perception de ce qui pourrait être une « coïncidence essentielle », alors, et encore aujourd’hui, entre les Etats-Unis et D. Trump. Si l’on veut, cette désignation pourrait être le calque ou la copie de cette coïncidence.
Tout au bout et au-delà de la chaine des causalités se trouve toujours une idée vraie, intuitivement reconnue comme telle, autrement dit la perception que cette idée est en nous et dans la Nature, donc vraie, comme une correspondance indiquant une adéquation d’essence (troisième genre de connaissance).
Commentaire : appliquée à l’être humain voici comment on peut comprendre l’analyse : à la fois corps et esprit, l’être humain est un mode, une expression des deux attributs Etendue et Esprit qui permettent de percevoir l’essence de la substance, autrement dit la Nature dans sa vérité et son éternité. Ce mode (l’humain) qui a une essence spécifique (j’y reviendrai dans la conclusion) existe dans une durée déterminée (il naît il vit, il meurt), mais, en tant qu’expression-mode de ces deux attributs de la Nature, il participe de l’éternité et peut atteindre l’idée vraie.
L’objet de l’Ethique est d’expliquer le chemin pour parvenir à sentir et expérimenter ce rapport et parvenir ainsi à la Joie et à la Béatitude (ce sont les termes de Spinoza) que procure cette expérimentation.
Encore une fois, il ne s’agit pas d’extase mystique transcendantale, mais d’une manière de vivre, d’une « vie-mode d’emploi », une façon d’être, dans le rapport avec soi, les autres et le monde, qui tente d’accorder le corps et l’esprit, nos deux constituants, avec ce dont ils sont l’expression.