Militaires : le second manifeste et la question de l’anonymat

L’anonymat est la pratique actuelle des réseaux sociaux. Je participe (sous mon nom) aux discussions du Monde en tant qu’abonné. Régulièrement, je dis dans mes contributions mon désaccord avec l’autorisation et la pratique de l’anonymat quasiment générale : l’anonymat dans les réseaux sociaux conduit à une perversion du dialogue.

Signer de son nom témoigne du réel d’une présence déjà réduite par l’absence de voix et de regard et sans laquelle le dialogue, lui aussi réduit du fait des limites imposées par le journal, est très difficilement réalisable. De fait, la plupart des contributions, anonymes donc, sont des réactions épidermiques passionnelles, et les échanges d’idées sont plutôt rares.

Certains ont répondu à ma critique que leur situation professionnelle les contraignait à l’anonymat. Je pense plutôt que la levée de l’anonymat oblige au contrôle de la « pente naturelle » des affections vers le laisser-aller et la polémique. L’hypothèse d’une catharsis ne tient pas. Nous ne sommes pas au théâtre.

L’anonymat caractérise le second manifeste militaire.

Si le premier, rédigé par des militaires en retraite, était signé (cf. article du 29.04.2021), celui-ci, prétendument rédigé par des militaires en activité, ne l’est pas. Sa réalité n’est donc garantie que par le magazine qui le publie (Valeurs Actuelles) et dont la ligne éditoriale d’extrême-droite est connue.  Le fait que, dans un premier temps, le magazine ait tenté de faire croire que les visites sur le site (plus d’un million) étaient des signatures de soutien est un indicateur de la tromperie que permet le port du masque de l’anonymat, convenue quand il s’agit d’une fête, frauduleuse quand il s’agit d’information, comme ici.

Les auteurs du manifeste, s’il s’agit bien de ceux que l’on dit, avancent masqués dans une transgression qui n’invoque pas un cas de conscience justifié par quelque mission contraire à l’esprit de leur engagement dans l’armée, mais un diagnostic de délitement et de chaos déjà posé par « leurs aînés », comme ils les appellent, sans doute en référence subliminale à une « entrée dans la carrière » patriotique. Comme eux, ils évoquent la possibilité d’un putsch.

Les deux manifestes sont le signe d’une mise en cause de la République et l’anonymat du second, en soulignant leur contexte d’illégalité, ajoute une touche d’irréalité au rêve éveillé d’un noir scénario théâtral auquel la crise actuelle peut faire croire.

2 commentaires sur « Militaires : le second manifeste et la question de l’anonymat »

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