Ce matin (28.04.2021) sur France Culture, Guillaume Erner recevait Etienne Klein, physicien, historien des sciences et animateur d’émissions scientifiques sur la même chaîne, ainsi que Bernadette Bensaude-Vincent, philosophe, historienne des sciences.
Leur discours de scientifiques parlant de la science contient une ambiguïté :
E. Klein : « On n’est pas à l’abri d’un nouvel Einstein qui nous prouvera que la terre est plate mais je n’y crois pas une seconde. »
B. Bensaude-Vincent : « La science établit des vérités solides, robustes auxquelles il faut croire. Nous sommes tous dans un rapport de croyance avec les vérités scientifiques. »
La phrase d’E. Klein implique (« On n’est pas à l’abri…) qu’il n’existe pas de vérité scientifique absolue. Ainsi : ou bien il est absolument certain que la terre est ronde, et dans ce cas la seule hypothèse qu’on puisse prouver le contraire est absurde, ou bien ce n’est pas absolument certain, il est alors possible qu’elle soit plate, même si l’on n’y « croit pas une seconde », et dans ce cas tout est par définition objet de remise en cause, par exemple le fait qu’une pierre jetée en l’air tombe nécessairement.
Quant aux deux phrases de B. Bensaude-Vincent, elles contiennent une contradiction entre « vérités solides, robustes » et « croire » puisque croire suppose un non-croire qui invalide et les deux qualificatifs des vérités et les vérités elles-mêmes. Le « il faut » qui l’accompagne est une injonction qui ressemble fort à un argument d’autorité.*
Ambiguïté d’autant plus grande qu’E. Klein qualifie d’absurde l’affirmation souvent entendue « la science est doute », affirmation qui, explique-t-il, naît d’une confusion entre science et recherche scientifique.
Le « rapport de croyance avec les vérités scientifiques » en tant que signe redoublé de cette contradiction est donc analogue avec l’acte de foi.
Si je comprends le désir de persuasion et si je ne mets évidemment pas en cause l’esprit scientifique des deux intervenants, reste que la porosité ainsi établie entre le champ du savoir de la connaissance scientifique et celui du croire antinomique du savoir est le signe du refus (sans doute inconscient, comme le lapsus ou ce qu’on appelle, à tort, le geste manqué) de ruiner la transcendance du croire par l’immanence du savoir.
Il y a dans la littérature un exemple intéressant qui renvoie à la même problématique : le mythe d’Antigone, dans la pièce éponyme de Sophocle.
Ce sera l’objet d’un prochain article.
*Comme exemple, cet échange (juin 2020) diffusé pendant l’émission, entre une journaliste de BFMTV et le professeur Didier Raoult :
Question : Sanofi a publié une note pour mettre en garde contre les utilisations de son Plaquénil (hydroxychloroquine) contre le coronavirus.
Réponse : Qu’est-ce que vous voulez que ça me foute ?
Il y a une question qu’on se pose rarement car on a, depuis belle lurette, séparé la connaissance et la foi. Mais À l’origine, la religion serait-elle une science expérimentale ? La conférence suivante pose la question :
J’aimeJ’aime
La croyance en un ou des dieux vise à expliquer le monde. Elle s’accompagne apparemment depuis le début de sa négation (cf. Epicure). En d’autres termes : j’ai besoin de croire pour donner un sens au monde et à ma vie, et cette croyance se heurte progressivement à mon expérimentation du réel et à la sollicitation de ma raison. L’histoire de l’homme illustre ce conflit permanent entre croire et savoir. Votre question appelle celle-ci : en quoi le fait de croire permet-il une connaissance du réel que vise à expliquer la science ? Le fait que la foi/religion soit amenée à s’adapter à la connaissance scientifique, et non l’inverse, fournit le début d’une réponse.
J’aimeJ’aime
Non, non, je me suis mal fait comprendre. Ma question n’appellerait la vôtre que si, justement, je faisais du phénomène religieux une question de croyance, comme le font les religieux actuels eux-mêmes. Ma thèse (ou mon hypothèse si vous préférez) est bien plus inattendue et fondamentale. Il y aurait une véritable science expérimentale (mais secrète) au départ. Le fait de la ré-véler (c’est-à-dire étymologiquement : de la re-voiler) pour ne pas la profaner, a fini par créer des crédules qui prennent les images ou symboles pour des réalités. C’est contre cela que la science (disons: profane) s’est érigée. Autrement dit, nous aurions actuellement des religions sans connaissance et des sciences sans foi. Ma thèse est que cela n’aurait pas toujours été le cas. Et si vous visionnez ma conférence, vous y trouverez des arguments, mais je ne les impose pas.
J’aimeJ’aime
J’ai écouté une partie de votre conférence. Elle propose un ésotérisme où je ne vous suis pas. Il me semble comprendre que vous pensez avoir découvert la pure et vraie vérité, d’autant plus pure et vraie qu’elle est cachée. Une sorte de pureté originelle en quelque sorte dont témoigne d’une certaine façon l’introduction exprimée en grec ancien reconstitué et que, vous le savez, les anciens Grecs n’auraient pas comprise. Mais je ne vous apprends rien non plus sur la vérité et la pureté supposées des origines que nous reconstruisons de manière à les faire coïncider avec ce qui alimente nos croyances : nos désillusions, nos peurs, notre désarroi… Il y a à partir du 2 septembre 2020 une série d’articles (Etats des lieux, ce que nous sommes) qui vous diront en quoi nous différons dans notre approche de la démarche philosophique.
J’aimeJ’aime
À part que je ne pense pas moi, avoir découvert, cette vérité, mais bien que je pense que d’AUTRES l’ont découverte et touchée (car elle serait non seulement pure, mais matérielle), vous m’avez, cette fois, parfaitement compris. Je prends bonne note de ce que vous ne suivez pas cet « ésotérisme » et cette hypothèse que je n’imposais d’ailleurs pas. Tout est donc bien clair entre nous.
Bonne continuation !
J’aimeJ’aime