« Professeur de psychologie cognitive à l’université d’Aix-Marseille, membre du Laboratoire de psychologie cognitive et directeur du Centre de formation des psychologues de l’éducation nationale, Thierry Ripoll est notamment l’auteur de Pourquoi croit-on ?, publié en octobre 2020 (éditions Sciences humaines). »
Il répond à une interview dont l’objet est le rapport entre la pandémie et le complotisme. (Une du Monde – 7.02.2021)
Entre autres :
Q : Vous distinguez croyance et croyance infondée. Quelle est la différence ?
R : « Le mot « croyance » est polysémique. Dans les phrases « Je crois qu’il va pleuvoir », ou « Je crois en l’immortalité de l’âme », le mot « croire » a un sens différent. Les croyances sont infondées quand elles font l’objet d’une adhésion extrême en dépit de l’absence de données empiriques ou d’arguments théoriques (…) »
Ma contribution :
« Croire qu’il va pleuvoir « et « croire en Dieu » sont en rapport avec un savoir (considéré comme) incertain ou effrayant qu’il s’agit de contourner. C’est peut-être, sans doute (?) l’inconnaissable de la mort, un a priori d’ordre axiomatique, qui est à l’origine du verbe croire (d’abord croire « en », majeur, puis croire « que », mineur) parce qu’il est très difficile pour le sujet d’admettre la mort telle qu’elle est : le cadavre, autrement dit sa disparition. Tout le reste n’est que variations, plus ou moins mortifères, selon les crises qui accentuent les peurs individuelles et collectives produites par cette spécificité humaine.
Relativement au sujet, une croyance est toujours fondée dans la mesure où elle est son refus de s’en tenir au savoir. Relativement à la connaissance de l’objet, en tant qu’elle est le refus du savoir, elle est toujours infondée. (…)
R « (…) Pour autant, une croyance infondée peut apporter un bénéfice. C’est le cas des rituels. En situation de stress, beaucoup d’individus croient que leur rituel leur permet d’être plus efficaces. On le voit dans les stades : certains sportifs se signent, d’autres croisent les doigts, etc. Le rituel n’a aucun effet, mais la croyance en son pouvoir en a un, car elle contribue à modifier positivement l’état cérébral du croyant et à le rendre plus confiant et donc plus performant. C’est un véritable effet placebo. »
(…) Si « le rituel n’a aucun effet » et s’il peut « modifier positivement l’état cérébral » c’est qu’il a un effet. La contradiction découle de la notion de croyance infondée.
Par ailleurs, rapprocher croyance et rituel me paraît hasardeux. Si l’une est le refus du savoir, l’autre n’est pas réductible à une pratique de la croyance ; il peut aussi être l’expression de la règle/discipline personnelle fondée sur un savoir du rapport corps/esprit.