Maurice Genevoix, Emmanuel Macron, la guerre et l’idéologie

Cent ans après la première guerre mondiale, soixante-quinze ans après la deuxième, le discours du Président de la République qui accompagna l’entrée du cercueil de Maurice Genevoix au Panthéon ne fut pas qu’une une vaine tentative scolaire d’imitation du discours de Malraux, accompagnant celui de Jean Moulin, il y a cinquante-six ans. Il est celui d’une idéologie.

« A ce jeune homme de 23 ans qui voulait devenir professeur, la Grande Guerre allait assigner un autre destin. » (…) « Mais  à l’été 1914, comme des millions d’autres, l’histoire le rattrapa. »

La  Grande Guerre  n’a rien assigné à quiconque. Elle n’est personne. Elle fut le résultat de choix politiques.

L’histoire aussi est fabriquée par les hommes, elle n’est pas une entité métaphysique qui court après les individus.  

« Avec Maurice GENEVOIX entre au Panthéon un destin républicain, une existence française. »

Un destin  républicain ? En quoi la république contient-elle la guerre ? Et, pour quelqu’un qui est né et qui a vécu ou vit en France, que serait une existence qui ne serait pas française ? Que veut dire, exactement, ce concept d’existence française ?

«  Ceux de 14 furent d’abord les combattants de la joie et de l’innocence. »

Combattants de la joie… La joie comme facteur de guerre ! Ou comme résultat d’un discours de propagande ?

Et puis, ceux de 14, vraiment tous ?

Renseignez-vous, monsieur le Président. Lisez, par exemple, Roger Martin du Gard.

« Ecrire pour donner un nom, une voix à ces inconnus, morts en héros. »

Morts en héros… Vous voulez sans doute dire, héros pour ceux qui ont mis en route le processus de guerre.  Mais pour eux-mêmes ? Eux, juste avant leur mort, là, dans la boue des tranchées que décrit Genevoix ? Et qu’est-ce qui a fait de ces hommes qui avaient un prénom, un nom, des inconnus ?   

« L’histoire de femmes et d’hommes animés de courage. Du courage de ceux qui savent pourquoi ils se battent. Du courage français. »

Si ces femmes et ces hommes pouvaient vous entendre, s’ils pouvaient sortir des tombes et des fosses, ils vous applaudiraient, bien sûr, et vous remercieraient pour avoir su leur révéler ce dont ils n’avaient sans doute pas la pleine conscience.  Et c’est alors que vous leur expliqueriez quelle est la spécificité du courage français.

Le 19 décembre 1964, André Malraux dit, dans un discours dont la dramaturgie était en phase avec la guerre contre le nazisme, quel fut le courage de ceux qui n’acceptèrent pas de se soumettre à cette entreprise de mort et qui luttèrent, en sachant pourquoi ils se battaient.

Le 31 juillet 1914 Jean Jaurès qui luttait pour empêcher la guerre fut assassiné par un homme fragile et fragilisé par un discours de propagande nationaliste qui parlait, lui aussi, entre autres, du courage français.

Le discours prononcé ce 11 novembre 2020 par le Président de la République renvoie à des archétypes idéologiques dévastateurs. Il ne propose rien qui s’adresse à la pensée. Il est de l’ordre de l’irresponsabilité.

2 commentaires sur « Maurice Genevoix, Emmanuel Macron, la guerre et l’idéologie »

    1. Oui. Chantée par Marc Ogeret par exemple. Elle est sur Youtube. J’ai retrouvé ce passage de Les Thibault (R.M du Gard) extrait du chapitre 73 du livre 7 (L’été 14). Jacques Thibault va prendre le train des mobilisés.
      « Sur le trottoir où Jacques aborda, un couple allait se séparer. L’homme et la femme se regardaient une dernière fois. Autour de la mère, l’enfant, un petit gars de quatre ans, s’amusait : agrippé à la jupe, il sautillait sur un pied, en chantonnant. L’homme se pencha, empoigna le bambin, l’éleva et l’embrassa ; si rudement, que le gamin se débattit, furieux. L’homme reposa l’enfant à terre. La femme ne bougeait pas, ne disait rien : debout, en tablier de ménage, les cheveux défaits, les joues souillées d’avoir pleuré, elle dévisageait son homme avec des yeux fous. Alors, comme s’il eût craint qu’elle se jetât sur lui et qu’il ne pût plus s’arracher d’elle, au lieu de la prendre dans ses bras, il recula, sans la quitter des yeux ; puis, se retournant soudain, il s’élança vers la gare. Et elle, au lieu de le rappeler, au lieu de le suivre du regard, elle fit un brusque demi-tour, et se sauva. Le gosse, qu’elle traînait derrière elle, butait, manquait de tomber ; elle finit par le soulever du bout du bras et le hisser sur son épaule, sans s’arrêter, pour fuir plus vite, pour arriver plus tôt, sans doute, dans son logis vide, où, seule, et la porte close, elle pourrait sangloter tout son saoul. »

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