Une élève de troisième a été arrêtée, a passé une nuit en détention puis a été mise en examen (apologie du terrorisme) pour avoir déclaré, dans son collège, à la rentrée des vacances de la Toussaint, qu’elle était hostile à la publication des caricatures de Mahomet et que S. Paty « avait mérité ce qu’il lui était arrivé. »
Non, vous ne rêvez pas. Oui, vous êtes bien en France, le pays des Lumières, oui, vous êtes bien en 2020 : oui, un juge d’instruction peut mettre en examen pour apologie du terrorisme une jeune fille de quinze ans qui n’a rien fait d’autre qu’exprimer, essentiellement, une émotion.
Oui, nous sommes d’accord, il y a de quoi hurler.
Moins parce que cette procédure va aboutir au résultat exactement inverse de ce qu’elle est censée produire – exacerber les passions au lieu de les calmer – mais surtout parce qu’un juge, formé dans une école de la République, est capable de prendre une décision de type théocratique : sa mise en examen est l’équivalent de l’accusation de blasphème et elle contribue à dénaturer la laïcité.
L’irresponsabilité (= réponse inadéquate) dont elle témoigne n’est qu’une des formes de celle, plus générale, du pouvoir politique incapable de parler du commun autrement que sous les formes de l’injonction, de l’obéissance et de la punition.