Mme de Hennezel est une psychologue clinicienne dont l’objet essentiel de la réflexion et du travail est la mort, en particulier l’accompagnement par les soins palliatifs.
Elle intervenait ce matin, 27 avril, dans Les matins de France Culture.
Son discours concerne la mort individuelle. Ce qui la conduit à dénoncer certaines mesures de confinement prises dans les Ehpad qui ont interdit les relations et les contacts, notamment dans les derniers moments de la vie.
Mais elle ne va pas jusqu’à montrer le rapport entre la démesure, la rigidité, le manque de plasticité des injonctions et la peur dont ils sont à la fois les produits et les aliments.
Sa démarche est calée sur la spiritualité : « Tout ne se résume pas à ce que nous voyons » « Il y a un au-delà du visible » « L’invisible est intrinsèque à l’humain » (sic), telles sont quelques-unes de ses formules de référence. Lorsque le journaliste lui demande de définir ce qu’elle entend par mysticisme, spiritualité, elle répond en invoquant un « au-delà de nous-mêmes » une « réalité au-delà de la nôtre ».
C’est, laïcisé dans la forme par le langage de la psychologie du moins telle qu’elle l’entend, le discours de la foi et des religions.
Voici l’essentiel de son « analyse » des effets de la pandémie :
« Nous prenons brutalement conscience de notre vulnérabilité et que notre avenir est de vieillir et de mourir » « J’observe une immense angoisse collective proportionnelle à ce déni de la mort qui est un déni que nous avons depuis des années, je dirais presque depuis je crois la dernière guerre et qui s’est amplifié au fil du temps principalement parce que nous avons développé des valeurs jeunistes fondées sur l’effectivité, l’efficacité, le progrès techno-scientifique, le succès, la rentabilité et cette prise de conscience brutale que nous sommes mortels change notre rapport à la mort. »
Autrement dit, le déni est un phénomène moderne et Montaigne (16ème siècle) qui explique (dans ses Essais) comment l’agitation, entre autres, est une tentative de contourner le déni de la mort ne sait évidemment pas de quoi il parle puisqu’il n’est pas né après la seconde guerre mondiale. La preuve en est qu’il n’utilise jamais les formules aussi précises et claires que « je dirais presque je crois » pour évoquer des faits historiques et que son analyse en pâtit beaucoup.
Si Marie de Hennezel rappelle que nous sommes donc tous vulnérables et mortels, si elle réussit à dater avec précision le moment historique du déni de la mort, elle ne va pas jusqu’à poser la question de savoir s’il ne serait pas possible de le mettre en cause et comment.
Le déni étant un refus de reconnaître le réel, donc de le connaître, elle s’enferme dans une contradiction majeure : d’une part, elle déplore le déni de la société, d’autre part elle dénonce « la société qui veut tout savoir ».
Peut-être alors pourrait-elle se demander si ce déni ne vient pas précisément du refus de la société de considérer la mort comme un objet de savoir.
Si elle posait cette questions et celles qui en découlent, peut-être découvrirait-elle Montaigne et trouverait-elle autre chose à répondre à la question de l’après-pandémie que « j’espère que ce ne sera pas comme avant ».
La tonalité et le contenu de son discours laissent penser qu’au fond, ce déni lui convient très bien.