Samedi 4 avril, un homme sort de chez lui armé d’un couteau. Au hasard de ses rencontres, il tue deux personnes et en blesse cinq.
La police l’arrête alors qu’il est à genoux sur un trottoir, marmonnant des propos en arabe.
Il est d’origine soudanaise, musulman.*
On découvre chez lui un texte qui dénonce la France comme un pays de mécréants.*
« Acte odieux » (E. Macron) « Parcours terroriste » (Ch. Castaner), sont les réactions immédiates du président de la République et du ministre de l’Intérieur.
A qui s’adresse le président avec ce pléonasme – existe-t-il un tel acte qui ne soit pas odieux (= suscitant l’indignation) ?
« Parcours terroriste » définit un itinéraire et un projet.
Ces deux réactions ont pour objectif, en tout cas pour effet, de bloquer l’analyse, la première par l’assentiment général d’indignation, la seconde en apportant la réponse.
Le problème est donc clos avant d’avoir été posé.
Quel problème ?
Celui que pose le récit de la première phrase de cet article.
Quelle analyse ?
Celle du rapport entre le récit et (ce n’est pas exhaustif) les deux phrases marquées de l’astérisque *.
Car, si tout est aussi limpide que semblent l’indiquer les deux réactions, pourquoi traduire cet homme devant un tribunal ?
A la différence de la loi du talion (identité entre le châtiment et l’acte) de la société primitive qui n’a pas les moyens de l’analyse ou qui les rejette, le tribunal cherche une explication en donnant la parole à ceux qui peuvent aider à comprendre.
A comprendre quoi, exactement ?
Pourquoi un individu ou un groupe dysfonctionnent.
Mais pourquoi ce besoin de comprendre ? Pourquoi la loi du talion ne convient-elle plus ?
Parce que nous savons pour l’avoir appris, expérimentalement puis par l’étude, que la distance entre le bon comportement et le mauvais comportement n’est pas toujours très grande et que celui qui dysfonctionne n’est jamais que comme nous. Humain**.
Le premier ministre, M. Valls, disait, après les attentats parisiens de 2015 « Il ne peut y avoir aucune explication qui vaille. Car expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. »
Ce discours qui témoigne de la même affection obscurantiste que celle qu’il prétend combattre, rejoint les deux réactions citées sur le terrain de la déresponsabilisation collective, de l’infantilisation permanente, quel que soit l’objet dont il est question (cf. les articles sur la prétendue guerre contre le coronavirus et les discours présidentiels).
** Ce n’est pas encore tout à fait reconnu puisque on utilise encore pour qualifier certains actes les adjectifs bestial, inhumain… comme si les animaux commettaient des crimes et comme si un humain pouvait dire ou faire quelque chose qui ne soit pas humain.
Comme une évidence ton texte me renvoie à la fin de l’année 1981, au débat puis au vote de la loi sur la peine de mort. À l’époque 62% des français était pour. C’était une autre époque avec des représentants d’une autre trempe ! Aujourd’hui avec le discours de nos gouvernants nous avons de bonnes raisons de nous inquiéter. Je ne sais comment le formuler mais j’apprécie vraiment les dernières lignes de ton écrit. Petit salut des hauteurs de Ganges.
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Merci, avec un salut donné avec beaucoup d’élan.
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