Jean-Sébastien Bach : Matthäus Passion – BWV244 – Passion selon Matthieu (5)

Les exemples sont un peu plus nombreux que prévus… Pour ne pas trop alourdir, je conclurai dans un sixième… et dernier article.

>> entrée 27 : Judas vient de trahir Jésus en l’embrassant pour le désigner à la troupe venue pour l’arrêter et qui s’en saisit.

Deux parties :

– d’abord une aria pour soprano et alto dont la mélodie est introduite par ce que je pense être un hautbois et une clarinette avec un violoncelle, sur le mode fugué ; l’ensemble, voix et instruments, est une mélopée légère, douce, paisible et à la fois sur un rythme à deux temps marqué par le violoncelle, distanciée du texte : « Voici que Jésus est maintenant tenu enchaîné ! », mélopée brusquement envahie par le chœur qui exprime avec force – deux temps, silence, deux temps, silence, trois temps –  une protestation impuissante « Lasst ihn  (laissez-le !), haltet (arrêtez !), bindet nicht (ne l’attachez pas !) » sans interrompre les vocalises des deux voix féminines qui enchaînent, dans le même rythme,  avec la suite du texte qu’elles disent deux fois « Lune et lumière se consument de douleur, parce que Jésus est prisonnier », la reprise étant à nouveau complétée par la même forte intervention du chœur avant que les deux voix ne poursuivent leur dialogue en mode fugué ou harmonique, le rythme toujours marqué par le violoncelle..

– ensuite, tout change : les deux chœurs et l’orchestre interviennent pour interpréter le texte suivant : « Est-ce que les éclairs, les roulements du tonnerre ont disparu dans les nuages ? Enfer, ouvre ton abîme ardent, anéantis, détruis, engloutis, brise de ton ire soudaine le traître perfide, le bras criminel ! »

Rythme à trois temps très accentués : la première phrase est répétée une dizaine de fois en un crescendo qui s’achève par une brusque chute d’octave suivie d’un silence, puis d’une reprise, sur le même tempo rapide, de la seconde phrase dont est repris deux fois « le traitre perfide, le bras criminel » (Den falschen Verräter, das mördrische Blut ! » et achevée, sur Blut, par un accord majeur retentissant et triomphant.

Je parlais de concert dans le concert… l’entrée 29 en offre un autre exemple.

>> l’entrée 36 conduit Jésus chez le Grand-Prêtre pour un moment éminemment dramatique. A la question « Je t’adjure, de par le Dieu vivant, de nous dire si c’est toi qui es le Christ, le Fils de Dieu », Jésus répond « C’est toi qui l’as dit. De plus je vous le dis, dorénavant vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel »

Le Grand-Prêtre déchire alors ses vêtements, constate le blasphème et demande leur avis à ceux qui sont là (les scribes et les anciens du peuple).

La réponse « Il mérite la mort ! »  ( Er ist des Todes schuldig !) est chantée par les chœurs I et II : 14 secondes d’une fugue, crescendo, terminée sur un puissant accord majeur.

Ensuite, ils lui crachent au visage et le frappent en disant « Devine, Christ, et désigne qui t’a frappé ? », 20 secondes de fugue et d’harmonie mêlées interprétées par les deux chœurs, avec la même énergie, le même tempo et le même accord final majeur qui donne envie d’applaudir.

>> sans doute les plus significatives de la distanciation :

– l’entrée 50 : malgré l’avis de son épouse (le seul personnage féminin) Pilate livre Jésus à la crucifixion demandée à cor et à cri par les juifs, en signifiant qu’il s’en désolidarise –  il se lave les mains – et c’est à ce moment-là que la foule crie «  Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » Il faut écouter ces 90 secondes de swing (fugue et harmonie mêlées) en complet décalage avec la dimension tragique du moment.

 – l’entrée 58 : Jésus est sur la croix, il est insulté par les passants, les grands-prêtres, les scribes et les anciens qui se moquent de lui. « Si tu es fils de Dieu, descends de la croix ! (…) Il en a sauvé d’autres et il ne peut se sauver lui-même (…) »

Un moment pathétique s’il en est traité de la même manière « jazzée » avec une note finale grave, à l’unisson, qui semble accorder du « sérieux » à l’entreprise de démolition.

– enfin l’entrée 66 : les Pharisiens viennent trouver Pilate pour lui demande de faire garder le sépulcre afin d’éviter que le corps ne soit enlevé pour faire croire à une résurrection. Les deux chœurs interprètent  (fugue et harmonie mêlées) cette demande dans le même tempo « jazzé ».

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