Bison futé en campagne électorale

Que présuppose Bison futé lorsqu’il conseille d’éviter les départs en vacances tel ou tel jour, dans telle ou telle plage horaire ?

Qu’il ne sera écouté que par une petite minorité de voyageurs ; s’il l’était par la majorité, le problème ne ferait que se déplacer, indéfiniment.

Autrement dit, cet organisme n’existe que pour ceux – minoritaires – qui sont supposés faire appel à autre chose qu’à l’irrépressible besoin du plus grand nombre de partir en vacances à la première heure et quel que soit le prix à payer, donc inaccessible à la raison, puisque, s’il l’était, soit le problème n’existerait pas, soit il serait reporté à l’infini.

Même type de problème pour les élections et ce qu’on appelle « campagne électorale » (cf. articles des 29 mars et 6 avril 2021).

J’écoutais ce matin sur France Culture un journaliste dire que le résultat du RN au second tour des législatives était d’autant plus inattendu que Marine Le Pen avait tardé à se mettre en campagne après les présidentielles.

Que présuppose cet argument ? Qu’un grand nombre d’électeurs décident de leur vote non en fonction de choix de type philosophique, politique, éthique… mais en fonction de la campagne électorale (tracts, affiches…). Les spécialistes expliquent que les transferts de voix entre le premier et le second tour ont défié tous les pronostics, ce qui est un élément d’explication du résultat surprenant du RN.

Qu’est-ce qui peut expliquer un changements de vote radical ?

Le journal de 13 h 00 de France Inter du mardi 21 juin, diffusait un reportage sur le département de l’Eure dont quatre circonscriptions sur les cinq ont basculé de la majorité présidentielle vers le RN, la cinquième ayant été gagnée par un candidat de la Nupes. Un électeur qui se présente comme « foncièrement de gauche » et dit avoir voté lors d’élections antérieures pour faire barrage au RN, explique que, cette fois, il a voté au second tour des législatives pour le candidat RN pour faire barrage au candidat d’Ensemble.

Le problème que pose cette explication est celui de la nature de la raison qui l’a conduit à ce changement radical. Autrement dit : faire barrage au RN dans des élections antérieures alors que cette formation n’avait pas disposé du pouvoir, ne pouvait se justifier que par le risque d’un danger à venir – et c’est bien ce qui constitue la formation de ce qu’on appelle, à tort, de mon point de vue (cf. article du 17.06 Pas une voix au RN ou…) le Front républicain.

Or, ce danger a disparu derrière la raison invoquée pour ce changement radical de vote : empêcher E. Macron de continuer une politique avec laquelle il était en complet désaccord l’a amené à voter, dans le cadre du duel du second tout, pour le RN contre le candidat Ensemble. A aucun moment il ne dit avoir envisager le vote blanc.

Vu les résultats, il n’est pas le seul à avoir fait ce choix.

Bison futé et la campagne électorale ont ceci en commun qu’ils présupposent un inamovible : l’homme est ainsi fait qu’il est surtout sensible à ses pulsions, à ses émotions, que ce soit pour partir en vacances ou pour voter.

Plus exactement, le départ précipité vers les bouchons routiers des vacances répond à un « ça ne m’arrivera pas à moi », « je passerai à travers », ou, au contraire, s’enrichit de l’excitation provoquée par le sentiment de participer à une aventure individuelle (chacun dans sa voiture) et collective (tous ensemble dans les ralentissements). Quant à la propagande électorale, elle apporte une réponse à un désir plus ou moins enfoui qui a besoin d’un support pour trouver sa justification.

La différence entre les deux, est que le bouchon routier est transitoire alors que le vote crée une réalité nouvelle durable.

Ses 89 députés mettent le RN dans une situation idéale : il n’a pas le pouvoir – rien ne pourra être mis à son débit – et il dispose désormais d’une caisse de résonance formidable avec, pour point de mire, la présidentielle de 2027.

Son installation dans la Chambre des députés renforce son apparence de parti politique.

Quelle que soit la stratégie du président dans l’immédiat (chercher d’hypothétiques alliances conjoncturelles) et le moyen terme (dissolution de l’assemblée en cas d’impasse), difficile d’imaginer – vu le rapport des forces à gauche – ce qui pourrait enrayer la progression du RN.

La nature de la raison qui conduit à ce changement radical de vote s’apparente à ce qui pousse à sauter dans l’abîme.

En d’autres termes, le jeu de l’apprenti-sorcier.

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