La voiture électrique et la centrale à charbon, la poule et l’œuf

Je ne sais plus qui, sur je ne sais plus quelle radio, expliquait, pour mieux faire comprendre la grande difficulté de la transition énergétique, que l’électricité qui alimente les  voitures polonaises est produite par les centrales à charbon dont les émissions carbonées sont pires que celles émises par les moteurs thermiques conventionnels.

C’est alors que j’ai vu passer, telle une ombre furtive, la question de la primauté de la poule sur l’œuf ou de l’œuf sur la poule.

J’avais d’autres choses à faire que de me demander pourquoi.

Je n’ai approfondi que le lendemain matin.

Je précise que j’étais sur ma bicyclette en train de monter une côte cévenole, et que, je ne sais plus quel philosophe, lui aussi cycliste à ses heures, avait expliqué quelques jours auparavant sur je ne sais plus quelle radio, que l’exercice du vélo peut aider à clarifier la pensée, en ce sens qu’il peut jouer le rôle d’une ascèse libératrice. Peut-être une question d’endomorphine, allez savoir.

Comme vous n’êtes pas sur une bicyclette en train de gravir une côte cévenole en lisant cet article, il est possible que le rapport entre la voiture et la centrale à charbon polonaises d’une part, et celui de la poule et l’œuf d’autre part, ne vous apparaisse pas du premier coup.

Je m’arrête, cale mon vélo contre un arbre qui se trouve là, m’installe sous ses ramures ombreuses et tente d’expliquer ce que l’ascèse vélocipédique me suggère.

Pour le premier problème, je dirais que l’intervenant cale son discours sur le principe implicite du statique.

S’il ne le disait pas explicitement, le constat qu’il faisait et le ton qu’il employait pouvaient signifier que le statu quo n’était peut-être pas aussi mauvais, ou, de manière plus insidieuse, que le « mal » n’est pas si grave qu’on le dit.

Il eût été utile de lui rappeler qu’un constat n’est pas une analyse et qu’il n’est pas possible de le présenter comme s’il était une preuve de quelque chose, encore moins de laisser entendre qu’une contradiction serait en soi le signe d’une absurdité.

En l’occurrence, et si l’on prend au sérieux les signes du changement climatique, la vraie question posée par ce constat est de savoir quel est le premier composant à changer : la production d’énergie avant la voiture, ou bien – ce qui est le cas ici –  la voiture avant la nouvelle production d’énergie ? Parce qu’il y a forcément une période intermédiaire de transition qui n’est que le début de résolution de la contradiction.

Autrement dit, mettre sur le marché polonais des voitures électriques qui vont renforcer la pollution pourrait bien être le moyen d’accélérer le remplacement de la production d’énergie. C’est en tout cas une hypothèse à examiner.

Mais, me direz-vous, le rapport avec l’œuf et la poule ?

Rappel du casse-tête apparent : si l’œuf vient de la poule, il faut bien qu’il ait été pondu par une poule qui est forcément née d’un œuf qui… et cela jusqu’à… mais jusqu’où, exactement ?

Présenter le rapport poule/œuf de cette manière, c’est présupposer qu’il en a toujours été ainsi, qu’il y a toujours eu des poules et des œufs et qu’il n’y a donc pas de primauté possible (d’où l’aporie de la question)  parce que la poule a toujours été une poule (pondeuse), parce qu’elle a été créée comme ça.

En revanche, si on sort du créationnisme, on dira que, la poule avec ses œufs potentiels n’ayant pas toujours existé sous la forme que l’on connaît, la question de la primauté n’a pas de sens : la poule est le produit d’une évolution, pas d’un œuf.

Le point commun entre les deux problèmes, vous le voyez maintenant, est celui dont ma situation de cycliste descendu du vélo vous donne une image physique :  le statique.

Pour le premier problème, la contradiction est présentée hors de la durée, dans un temps figé, comme si elle était un insoluble. 

Pour le second, la question n’existe que si l’on refuse l’évolution.

Dans l’un et l’autre, le temps, ou plutôt l’omission du temps ne fait pas rien à l’affaire, n’en déplaise au poète… qui parlait d’autre chose.

Le mieux que je puisse faire maintenant est d’enfourcher à nouveau mon deux-roues ascétique à pédales et de monter un peu plus haut, à la recherche d’autres aventures questionneuses.

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