L’affaire Valérie Bacot

Le Monde du 26.06.2021 rend compte de la fin du procès de Valérie Bacot, jugée pour avoir tué son mari, qui avait été son ex-beau-père et qui fut son tortionnaire pendant 25 ans. La vie de cette femme de 40 ans contient à peu près tout ce qu’on peut imaginer d’horreurs : sexuellement abusée à six ans par son frère aîné, violée à douze par le compagnon de sa mère (une femme instable, alcoolique qui a laissé faire – le père est absent), un homme (Daniel Polette) qui exerce sur elle une emprise dont elle ne parvient pas à se défaire, qu’elle épousera, avec qui elle aura quatre enfants ; pendant quatorze ans il l’oblige à se prostituer à l’arrière d’une camionnette aménagée de manière à ce qu’il puisse voir les relations sexuelles avec les clients et dont il lui indique via une oreillette les positions.

Après cinq ans d’instruction, elle comparait libre après une année de détention préventive. Elle a trouvé un emploi et tout préparé pour ses enfants en vue d’une nouvelle incarcération qu’elle pense inéluctable.

Condamnée à quatre ans de prison dont trois avec sursis (ce qu’avait demandé le procureur – l’avocate de la défense plaidant l’acquittement) elle est donc sortie libre du tribunal.

Les contributions, qui approuvent le verdict, témoignent essentiellement de l’émotion de leurs auteurs et déplorent l’absence d’aide et la solitude de V. Bacot pendant ces années. Certaines qualifient Daniel Polette de « monstre ».

« Ce verdict est un vrai soulagement, une victoire pour la Justice, même si on ne peut pas s’empêcher de penser que celle qui a vraiment incarné la Justice, c’est Valérie Bacot elle-même. Mais un autre soulagement serait que notre société reconnaisse enfin l’existence de véritables monstres. »

« La mère est la première coupable d’avoir livré sa fille à ce monstre, elle aurait dû être jugée et condamnée ! »

« Juste verdict. Elle a agi quand notre justice ne se donne pas les moyens d’intervenir contre ces monstres. »

Ma contribution :

« Monstre » (dans le sens, habituel, de « hors humanité ») parfois utilisé pour qualifier le tortionnaire, est une étiquette censée constituer une explication qu’elle n’est pas. L’acte violent commis par V. Bacot est le dernier segment d’une histoire particulière, parmi d’autres analogues sur une liste interminable, qui témoigne de ce dont est capable l’être humain. Le jugement rendu, les émotions exprimées, demeure le questionnement que toutes les vies plus ou moins exposées devant le tribunal pour cette affaire – celles de V. Bacot, de celui qu’elle a tué, de sa mère, des clients du camion – posent sur « qui nous sommes » et sur la nature de l’invariant qui fait sauter les verrous pour le pire dont aucune autre espèce n’est capable. Seul l’être humain.

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