(A la Une du Monde – 9.01.2021)
« S’il était question de l’aguiche d’un film porno, ça ne choquerait personne. Mais, quand il s’agit du héros d’un programme pour enfants âgés de 4 à 8 ans et diffusé par le service public au Danemark, il y a de quoi tiquer. Même dans un pays scandinave connu pour son progressisme.
John Dillermand – « John homme-zizi », pourrait-on traduire – est un programme humoristique d’animation diffusé depuis le 2 janvier 2020 sur Ramasjang, la chaîne pour enfants de l’organisme danois de radio-télévision publique, Danmarks Radio (DR), l’équivalent de France Télévisions. A l’instar de la série et des films britanniques Wallace et Gromit, John Dillermand a été réalisé en stop motion avec de la pâte à modeler. En l’espace de cinq jours, son générique totalise déjà près de 800 000 vues sur YouTube.
Les treize épisodes, de cinq minutes chacun, mettent en scène le quotidien d’un homme moustachu et maladroit, même s’il essaie de faire le bien autour de lui. A la manière d’Inspecteur Gadget et de son « go-go-gadget au bras », son sexe peut s’avérer bien pratique : il s’allonge pour allumer un barbecue, passer la tondeuse, ou se transformer en rotor d’hélicoptère afin de voler dans les airs.
Sa salopette rayée de rouge et de blanc s’adapte (bien heureusement) à sa morphologie encombrante, qui rappelle la queue du Marsupilami. Il lui arrive de se servir de ce « superpouvoir » pour réparer une de ses bêtises, faire la circulation ou encore sauver des enfants des griffes d’un lion. En gros, il n’y a « rien qu’il ne puisse pas faire » avec son pénis, peut-on même entendre dans la chanson du générique. »
L’article précise que les réactions sont très contrastées et que les critiques ont pris un tour politique, les plus virulentes venant de l’extrême droite et des féministes.
Ma contribution, publiée :
« Si « ça » fait parler autant, c’est que « ça » n’est évidemment pas anodin. Tout dépend quel discours (explicite ou implicite) sur la sexualité vient illustrer cette BD. Apparemment, il n’est pas le même pour tout le monde, au Danemark ou chez nous, et les aventures de cet organe de dimension variable en fonction de critères pas forcément connus des petits enfants et dont les réactions (celles de l’organe) ne sont maîtrisables que jusqu’à un certain seuil (là, l’expérimentation commence tôt) peuvent susciter de formes de rires qui ne sont pas plus anodins que la BD et les intentions (maîtrisées comme l’organe ?) qui la sous-tendent. Les commentaires, là-bas comme ici, sont un bon révélateur d’autre chose comme en général ce qui touche (oh!) à la sexualité. Faux-cul, tartufe, coincé, libéré(e) pour autant qu’on puisse l’être (salaud de corps !)… sans doute un peu tout à la fois avec des dominantes selon la conscience ou le calcul. »