Alaister Campbell qui fut conseiller en communication de Tony Blair entre 1994 et 2003, était invité ce 10/12/2020, des Matins de France Culture, une émission animée par le journaliste Guillaume Erner.
Ce Britannique, qui est aussi journaliste et écrivain, est très remonté contre Boris Johnson et Donald Trump dont il dénonce la pratique du mensonge.
Evoquant le Brexit « Il ne faut pas oublier les fausses promesses, il ne faut pas oublier les mensonges »
Parlant de B. Johnson « Les faits, la vérité l’intéressent beaucoup moins que les jeux qu’il peut jouer avec »
Puis de Trump « Ça fait partie de sa stratégie de mentir ».
G. Erner a beaucoup parlé avec lui de la pandémie, de ses problèmes personnels (« alcoolique, psychotique, dépressif, suicidaire », les propres termes d’A. Campbell) et de son travail auprès de Tony Blair.
L’entretien dura une quarantaine de minutes et il y eut cependant un événement dont ni l’un ni l’autre ne parlèrent bien qu’il fût et soit toujours une excellente illustration du mensonge en politique.
Au début de l’année 2003, Allistaire Campbell fut un de ceux qui constituèrent le « dossier irakien » qui avait pour but de justifier la guerre que déclencha George W. Bush avec l’appui et le soutien du gouvernement travailliste de Tony Blair. Ce dossier servit de base aux discours de Dick Cheney, de Colin Powell et du président des Etats-Unis.
A un journaliste qui, comme bien d’autres, mettait en doute la réalité des « armes de destruction massive » qu’était censé posséder et produire Saddam Hussein, Alistair Campbell répondit « Allons, vous ne pensez pas sérieusement que nous n’allons rien trouver ! »
On sait que ce dossier (Colin Powell le qualifia, dit-on, de « merde » – shit ? -, ce qui ne l’empêcha pourtant pas de le présenter comme une preuve) fut un mensonge d’Etat, britannique et états-unien.
Je laisse de côté l’indignation dont j’ai déjà dit tout le mal du bien qu’elle est censé produire pour poser ces trois questions :
1° comment celui qui a sciemment contribué à construire un tel faux dont on sait les conséquences, peut-il être audible quand il dénonce les mensonges en politique de B. Johnson et D. Trump ?
2° Comment peut-il s’autoriser lui-même à dénoncer ces mensonges sans dénoncer les siens en même temps ?
3° Enfin comment un journaliste à qui il arrive de se référer à la déontologie et à l’éthique journalistiques, peut-il décider de l’inviter (ou accepter son invitation) en excluant l’évocation d’un tel événement qu’il connaît forcément ?
Ces trois questions se réduisent peut-être à celle-ci : pourquoi G.W. Bush et T. Blair n’ont-ils pas été poursuivis devant un tribunal, national ou international, par exemple pour forfaiture ?
J’ignore ce qu’il en est aux USA – peut-être les lecteurs d’outre-Atlantique ont-ils des informations ?
En Grande-Bretagne, un rapport de plus de 6000 pages a été publié en 2016 qui incrimine Tony Blair dont l’engagement a entraîné la mort de 179 soldats britanniques.
A la fin de son entretien, Alistair Campbell faisait remarquer, sur le ton d’un discret étonnement, que le Labour (parti travailliste) répugnait désormais à se réclamer de Tony Blair, soulignant, avec une ironie tout aussi discrète, qu’il constituait la seule parenthèse travailliste dans la longue séquence des succès conservateurs, dont celui de Boris Johnson dont il n’aime ni l’allure, ni ses mensonges en politique.