Réflexion sur la médaille olympique

Les jeux olympiques visent à la création de demi-dieux dont la fonction majeure est de mettre entre parenthèses le tragique du fini de la condition humaine.

Le héros est confondu avec la collectivité qu’il représente (sa Cité dans la Grèce antique, aujourd’hui son pays) ce qui revient à dire que cette collectivité et les individus qui la composent se hissent avec lui sur la plus haute marche du podium censée rapprocher des dieux : en tant qu’individu, français, italien, allemand, japonais etc., je suis invité à m’identifier au héros demi-dieu correspondant, couronné jadis de laurier, aujourd’hui médaillé d’or, pendant le temps de l’hymne national prolongé par les médias, selon la discipline et la figure du héros.

La métaphore du héros olympique dominant du haut du podium éphémère ne fonctionne qu’en situation ordinaire, quand la mort n’est pas pour demain, qu’on peut donc accepter de croire que « plus vite, plus haut, plus fort » met au niveau des dieux et que la suprématie absolue d’un pays repose pour un temps sur une accumulation de médailles contingentes.

En regard de la mutation climatique planétaire et de la pandémie, le podium, le héros, la médaille d’identité nationale et l’hymne apparaissent comme l’expression d’un monde révolu.

L’une et l’autre perturbations abolissent les frontières dans les registres de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, et, quelle que soit l’importance des différences sociales, nationales et géographiques, elles rappellent de manière tangible, pour ainsi dire physique, que nous sommes tous de la même espèce, vivant d’une existence aléatoire et planétaire : ce  n’est plus seulement affaire d’idée  – se définir citoyen du monde –  mais un réel expérimenté dont le caractère dramatique (sécheresse, incendies, inondations, variant viral) se manifeste dans une récurrence d’intensité croissante.

Dans le même temps, elles confrontent l’homme à un espace/temps de moins en moins différencié, de plus en plus tragique, en ce sens qu’elles peuvent sembler lever le voile du jour et de l’heure : le changement climatique et les épisodes extrêmes locaux habituels « normaux » semblent devenir plus ou moins la règle un peu partout, comme la pandémie par les mutations agressives du virus et d’autres émergences virales annoncées vraisemblables.

Nous ne sommes plus dans la possibilité de la métaphore sportive héroïque.

Au milieu, pourtant, malgré le refus majoritaire de ses habitants, courent des jeux olympiques dans un pays fragilisé par la catastrophe nucléaire de Fukushima, la pollution qui en résulte,  la pandémie.

Le public exclu des gradins, les athlètes concourent, seuls, sous la menace de la contamination et suivis par l’œil des caméras qui renvoient leurs images sur les écrans individuels sans clameurs.

La question des intérêts financiers mise de côté, l’argument selon lequel les jeux, même dans de telles conditions, sont préférables à leur suppression, revient à les considérer comme le jouet dont on priverait un enfant.

Mais les jeux olympiques ne sont pas un jouet, comme peut l’être la fusée du multimilliardaire américain très ému par la Terre vue d’en haut.

La compétition sportive, surtout quand elle est patriotique (J.O, championnats), est un objet d’une autre nature.

Elle creuse, aujourd’hui et sans doute encore pour demain,  un abîme de sens. Plus vite, plus haut, plus fort…  que quoi, exactement ? A quel prix, et, finalement, oui, pour quoi ?

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