Richard Wagner – Der Ring des Nibelungen ( L’anneau du Nibelung – La Tétralogie) (3)

La question sociale était une des préoccupations de Wagner – de tendance plutôt anarchiste, il participa à la tentative révolutionnaire de Dresde en 1849 – comme elle fut à la même époque celle de Marx et de tous ceux que ne laissaient pas en repos les problèmes que posait le début de l’essor industriel et commercial du capitalisme. L’antisémitisme très répandu jusque dans la pensée socialiste d’alors est aussi une composante de l’idéologie de Wagner (comme elle le fut de celle du  « jeune Marx » cf. La question juive) et il plonge une partie de ses racines dans l’histoire familiale… comme ce fut le cas pour Marx (cf. Article 12 « Etat des lieux – essai sur ce que nous sommes – 25.09.2020).

La rencontre entre la réalité sociale et la réalité familiale ne se fait pas toujours sur le mode de la contradiction.

Le père de Wagner mourut alors que Richard avait 6 mois et sa mère se remaria avec un homme d’ascendance juive, Ludwig Geyer – acteur de théâtre et peintre –, qui mourut alors qu’il avait 9 ans et dont il ne découvrit qu’à l’adolescence qu’il n’était pas son père biologique – c’est à ce moment-là qu’il prit le nom de son père, Wagner. Certains expliquent ainsi son antisémitisme, déclaré (cf. Le judaïsme dans la musique, un essai dans lequel il explique le danger que constituent les compositeurs juifs pour la culture nationale) ou caché dans les opéras (selon certaines interprétations, Alberich et Mime, les deux frères Nibelungen habitant les sombres profondeurs du Ring, Beckmesser –  Les Maîtres chanteurs de Nuremberg – seraient des figures de la judéité) dont il faut noter qu’aucun livret ne délivre de message antisémite explicite. Wagner ayant eu toute sa vie un problème majeur avec l’argent dont il ne parvint jamais à avoir la maîtrise, on peut encore émettre l’hypothèse que ce rapport difficile pourrait être une seconde « raison ».

Comme Hitler admirait la musique de Wagner, il est tentant de dire qu’elle contient les éléments qu’a utilisés le chef nazi… à moins qu’il ne s’agisse – comme pour Nietzsche – d’une exploitation, ce que pourrait bien confirmer le fait que la multitude de ceux qui aiment l’écouter ne sont pas antisémites. Daniel Barenboïm, par exemple. Moi aussi… ou non plus.

L’écoute des premiers opéras montre l’importance de l’influence de Mozart, Beethoven et, surtout, Weber : les échos de son Der Freischütz (mon  interprétation de référence : Carlos Kleiber – Staatskapelle de Dresde – Gundula Janovitz – Edith Mathis – Peter Schreier – Theo Adam) qui y sont fréquents sont absents du Ring.

Les opéras de Mozart et Weber proposent, intercalés dans des récitatifs, des éléments musicaux (arias, chœurs) qui existent par eux-mêmes et qu’il est possible d’interpréter en dehors de l’œuvre. Tout mélomane peut fredonner l’aria d’Agathe, le chœur des chasseurs (Der Freischütz), l’aria de Chérubin (Les Noces de Figaro), celui du catalogue de Leporello (Don Giovanni), de Papageno (La Flûte enchantée) etc.

S’il en va de même pour le chœur des pèlerins (Tannhäuser)et celui des noces (Lohengrin), rien de tel dans le Ring.

Les seuls repères sont les leitmotive, à savoir un ensemble de notes insuffisant pour constituer une mélodie, encore moins une aria.

Exemple : l’entrée de Freicka et Wotan dans L’or du Rhin : le leitmotiv est constitué par un arpège descendant (4 notes), remontant (les mêmes 4 notes) répété 2 fois, à nouveau la remontée répétée 2 fois, puis, pour les mêmes notes,  des changements de modes et de tons du mineur au majeur jusqu’à l’intervention de Fricka qui invite Wotan à se réveiller.  Reprise alors du motif initial par les cuivres sous le chant linéaire  de Wotan (baryton-basse) qui n’est pas une aria et qui  retrouve le motif jusqu’au sommet, éclatant, de l’arpège.

De quoi s’agit-il ?

Je dirais, un affrontement entre la masse de l’orchestre – en particulier les cuivres – et l’individu – peu de duos, chœurs quasi absents (sauf dans la troisième journée : Crépuscule des Dieux) – l’un et l’autre « jouant » leur propre partition. Est donc rompue l’unité que constituaient dans les opéras, surtout de Mozart, dans une moindre mesure de Weber, la musique du chant et celle de l’orchestre d’une part, leur accord d’autre part. Sauf dans les leitmotive qui apparaissent ainsi comme des moments exceptionnels, d’autant plus qu’il n’est pas possible de les extraire comme on peut le faire pour les arias.

L’absence de discontinuité soulignée par la durée, la brièveté et le retour des leitmotive (de puissantes esquisses mélodiques) constituent les piliers de la problématique de l’œuvre.

(à suivre)  

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