La grammaire française telle qu’elle est enseignée aux professeurs par le ministère de l’Education nationale (12)

Verbe vient du latin verbum, qui vient du grec eireïn (= dire, parler) et signifie mot,  parole – le sens qu’a pris le mot français n’est que marginal en latin : sur près de deux colonnes de références de significations, le dictionnaire latin de référence Gaffiot en indique seulement deux.

Le mot, la parole.

« Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux. Dieu dit : « Que la lumière soit. » Et la lumière fut. » (Genèse, du grec genesis = naissance – texte composé entre le 8ème et le 2ème siècles avant notre ère)

« Au commencement était le Verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Il était au commencement auprès de Dieu. C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui. (…) Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité. (Prologue de l’Evangile de Jean – I, 1-18 – fin du premier siècle)

Ces deux extraits liminaires témoignent de la conscience qu’ont les hommes, depuis qu’ils sont parvenus à élaborer un langage qui leur soit propre, de l’importance de la parole en tant qu’élément déterminant de la vie. Ils permettent de comprendre la réduction du sens de verbum, ou, pour être plus exact, la densité de sens qu’il a prise dans la grammaire (= ce qui concerne l’écriture et la lecture).

Si, à l’exception d’être  tous les verbes décrivent une action (cf. article précédent)  – avoir est un cas particulier que j’aborde quelques lignes plus loin –  c’est que la vie est action, mouvement  [De ce point de vue, sa mort,  qui ne met pas fin au vivant, rappelle à l’individu qu’elle fait partie de la vie.]

La vie est un agir déterminé par la réponse à la question de l’être qui le détermine à son tour. Persévérer dans son être, dit Spinoza en utilisant le mot latin conatus ( = effort), implique donc une dynamique.

Le vivant de l’individu déterminé par le battement du cœur et les circulations permanentes, sanguine, électrique, chimique est en relation avec le discours ontologique : j’agis avec le conscient (la pensée), l’inconscient et ce qui n’est pas, en soi, de ces ordres (l’organisme) en fonction de ce que je choisis relativement à la question de mon être. Ainsi, il est possible de dire que le verbe être enveloppe tous les verbes d’action en ce sens que, si être et agir sont dans une interaction permanente, le but visé n’est pas l’action pour elle-même mais l’action pour être.

Avoir est un cas particulier : il indique non une action mais le résultat d’une action (la sienne ou celle d’un autre), et – c’est un point de vue que j’ai déjà exposé par ailleurs – il  joue aussi le rôle du double factice de être, il est sa contrefaçon dans l’équation capitaliste être = avoir+ qui a pour finalité de créer l’illusion d’immortalité : plus j’ai, plus je suis, moins je meurs.

Expliquer l’utilisation grammaticale du verbe à partit de cette problématique est évidemment très différent de l’explication proposée par GFM.

Au niveau I (p.16,20,33), il ne donne aucune définition du verbe.

Au niveau II (p. 135) : Le verbe exprime généralement une action  (Elle marche ;Elle danse) ou un état(Les feuilles sont vertes). Il constitue le noyau du groupe verbal (GV). Le verbe varie en personne, en temps, en mode, en voix, en nombre et parfois en genre.

Le développement de la leçon participe de la même approche, à distance respectable du vivant.  (niveau II p. 139) : « Lorsque les verbes être et avoir sont employés comme auxiliaires, ils ont un sens grammatical plutôt que lexical. En effet, il est très difficile de saisir ce que signifie être dans « Elle est partie », ou avoir dans « Elle a terminé » (comme il est difficile de décrire le sens d’un article défini par exemple) : le sens de être et avoir auxiliaires est celui d’un outil grammatical, utile à la construction de certaines formes verbales. (…) »

Remarque de GEQ  : « grammatical plutôt que lexical » signifie qu’il y a quand même un sens lexical que GFM n’aborde pas au motif « qu’il est très difficile de saisir ». Très difficile pour qui et pourquoi ? « L’outil grammatical » est une explication d’autant plus commode que, comme l’a précisé GFM, il n’a pas de fonction (cf. article 3).

« (…) En revanche, dans « J’ai de l’argent » le verbe avoir a le sens de « posséder », dans « Ce vélo est à Paul », le verbe être signifie « appartenir » et dans « Je pense donc je suis », le verbe être signifie « exister » :dans ces emplois, être et avoir ont un sens lexical. (…) »

Des constats, des traductions, pas d’explication. L’appartenance n’a pas la même valeur selon qu’elle est exprimée par être (deux sujets) : cette maison est à moi, ou avoir (un sujet, un objet) : j’ai cette maison.

«  (…) Le processus selon lequel un mot lexical s’allège sémantiquement pour devenir un mot grammatical se nomme « grammaticalisation ». Il n’est aucunement limité aux auxiliaires : par exemple, l’adverbe de négation pas est issu, par grammaticalisation, du nom pas (un pas). »

> « grammaticalisation » – comme la plupart des mots savants – a ceci d’intéressant qu’il institutionnalise la distinction sémantique/grammaire.

Pour GEQ, expliquer l’utilisation du verbe – en particulier les modes et les temps – implique une définition des rapports possibles entre soi et le monde.

(à suivre)

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