Deux heures de discours pour ?

Il y eut quelques données statistiques, techniques et scientifiques apportées par le directeur général de la Santé, le ministre de la Santé, et une infectiologue de Lyon.

Il y eut l’annonce des visites de nouveau possibles en Ehpad*.

Et… ?

Le problème que pose ce long discours du premier ministre le 19 avril est moins la justification attendue de l’action gouvernementale que son objet réel.

Six jours plus tôt, le lundi 13 avril, dans un discours d’une demi-heure environ, le président annonçait le début du déconfinement pour le 11 mai.

En si peu de temps,  il était impossible qu’aient été résolues les nombreuses difficultés de la reprise, puisqu’elle sera progressive et modulée, de la vie sociale et économique.

En d’autres termes, pourquoi le premier ministre est-il venu dire si tôt et si longuement qu’il ne pouvait rien dire de nouveau et qu’il reviendrait plus tard donner les précisions qu’il ne pouvait donner ce soir-là ?

Que signifient ces deux heures occupées dans les médias par le premier ministre ?

– le rappel du caractère « absolu » de la fonction présidentielle dans la constitution : le président a décidé que le déconfinement commencerait le 11 mai avant même qu’en aient été examinées les possibilités matérielles. En d’autres termes, il y a une inversion de la responsabilité (= réponse adéquate à une situation donnée) : il s’agit donc de faire rentrer de force le réel dans un cadre imposé, ici, par une conception du pouvoir, là, par le manque de matériel et de personnel médicaux… qui renvoie aux choix politiques.

– le vide répond au vide. A plusieurs reprises, le premier ministre a évoqué l’intervention du président. « Comme l’a dit le président de la République ». Outre son caractère obligé, la formule avait une résonance dérisoire. Quelles explications ont été données par le président pour justifier la date du 11 mai ? Que reste-t-il dans la mémoire, sinon la prétendue « guerre » du discours antérieur,  infirmée dans le dernier qui évoquait un danger sans précédent  « en période de paix » ?

Ce long discours met en cause, en (et par son) creux, un modèle du pouvoir qui paraît d’autant plus inadéquat qu’il est exercé par un homme dont le manque  d’épaisseur, et sans doute aussi, liée à cette superficialité,  la perception de son âge,  interdit le rôle de « père » inhérent à ce type de pouvoir, surtout en période de crise.

E. Macron, que la vacuité de ses interventions fragilise un peu plus au fil des jours de confinement, n’a pas compris le double message envoyé par le mouvement des gilets jaunes et la protestation contre la réforme des retraites. Le message sera renvoyé, sans doute sous des formes nouvelles, plus puissantes et plus violentes, quand les conditions seront réunies.

* Il y eut un beau moment, mais oui,  beau et même aussi émouvant, mais oui – en tout cas c’était très nettement dans les intentions, mais oui –  sur l’importance du regard des personnes aimantes venant dans les Ehpad. Donc, on se regarde – Ah oui… comment se passe l’échange des regards quand la personne visitée ne dispose pas assez ou plus de la vue ? – mais on ne se touche pas !

Alors… supposons une personne âgée dépendante que l’on équipe d’un masque et à qui on lave les mains juste avant la rencontre. Supposons encore la personne qui vient pour la rencontrer, équipée elle aussi d’un masque et qui se lave elle aussi les mains,  également juste avant la rencontre. En quoi la main prise par la main constitue-t-elle nécessairement un risque ? Surtout si la personne âgée est en fin de vie.

Mais cela suppose que soit déléguée la responsabilité (voir plus haut) à ceux qui, en l’occurrence, sont sur le terrain. Et cela suppose l’information qui suppose la confiance qui à son tour la rend efficiente.

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