Hier, 10 avril, sur France Info, le représentant d’une association de petits commerçants expliquait comment, de son point de vue, devrait être organisée la sortie du confinement.
Il y avait d’un côté « les commerçants », de l’autre, les « consommateurs ».
Son analyse était déterminée par la reconstitution la plus efficace d’une trésorerie mise à mal par le confinement.
Il y avait dans son discours écouté par des millions d’auditeurs quelque chose d’à la fois pathétique et obscène. Comme le serait celui d’un maître expliquant, au vu et au su de ses employés, quelle est la meilleure manière de les utiliser pour en tirer le meilleur profit.
Cet homme, au demeurant sympathique, était tout entier dans son statut de commerçant, oubliant qu’il était, lui aussi, dans sa logique, un « consommateur », comme le maître oublieux, dans la sienne, de sa dépendance d’un maître supérieur.
Avec ce qui pouvait paraître comme de l’inconscience, en réalité l’assurance que donne la certitude, il révélait, sans le moindre signe qui aurait pu laisser penser à un questionnement, à un doute, une facette du monde fondé sur le marché de l’offre et de la demande : la réduction, de lui et des autres, à une fonction.
Moi, commerçant, moi, vendre, toi, consommateur, toi acheter… Hum… Je ne suis pas absolument sûr que le style lapidaire de cette phrase soit pertinent. Disons qu’elle veut être l’illustration d’une conception mécanique, réductrice des relations humaines, et non une critique de l’homme-singe… qui n’est peut-être bien, au fond, qu’une créature de nostalgie, mythique comme toute nostalgie, sinon de désespérance de l’homme-fonction.
« Consommateur » est un terme détestable, utilisé banalement, comme allant de soi, (comme dans le domaine de l’entreprise : « ressources humaines ») par les économistes, les politiques, les journalistes, bref ceux qui décrivent une réalité comme le réel a priori immuable.
La crise incitera peut-être à reconsidérer l’usage de certains mots.
Ce qui signifiera alors que quelque chose a bougé dans le terrain qui les produit.