Le Monde (25.02.2023) publie l’interview d’une avocate ukrainienne qui demande la création d’un tribunal pour juger V. Poutine et les crimes de guerre commis en Ukraine. Par ailleurs, elle avance comme explication que « la Russie a peur de la liberté. »
Ma contribution, un peu plus développée que les mille signes autorisés par le journal :
Un tribunal pour juger V. Poutine agresseur de l’Ukraine ne suffit pas. Il en faut aussi un pour G.W. Bush agresseur de l’Irak. Les mensonges de l’un (armes de destruction massive, construction de fausses preuves pour réunir une coalition) valent ceux de l’autre (régime nazi et génocide) et l’impunité de l’un donne un argument à l’autre ainsi qu’à ceux qui le soutiennent pour des raisons économiques, géostratégiques (la Chine notamment) éventuellement associables à des règlements de comptes coloniaux pour certains régimes africains – notamment ceux qui expulsent les forces françaises et font appel à la milice russe Wagner.
Emergeant des causes profondes liées à l’économie, les symptômes les plus manifestes sont ceux d’une volonté de puissance territoriale pour V. Poutine, de puissance idéologique pour G.W. Bush autoproclamé représentant des forces du Bien contre les forces du Mal dont faisait partie l’ancienne URSS elle-même autoproclamée force libératrice de l’Humanité. L’un et l’autre sont l’expression d’une transcendance, toujours explicite pour les USA (La Bible, « God bless América », quel que soit le président), masquée chez l’autre (La théorie, le Parti) et dont l’exploitation de la Mère-Patrie et de la guerre contre le nazisme, la Grande Guerre patriotique, est, associée au culte du chef, le signe d’une permanence – V. Poutine a été formé par le KGB soviétique.
« Peur de la liberté » est un oxymore intéressant qui demanderait que les termes soient précisés ; laisser penser que cette peur pourrait être une spécificité intrinsèque de la Russie nourrit plutôt le discours de la transcendance.
Relativement aux obstacles à l’exercice de la liberté que sont la peur et l’angoisse, les différences entre les individus et les sociétés s’expliquent essentiellement par la présence ou l’absence du discours contradictoire d’immanence, seul susceptible de remette en cause l’équation capitaliste (être = avoir +) moteur des stratégies de contournement (par l’économie, la finance, l’accumulation… notamment de territoires) plus ou moins mortifères, en l’occurrence, pour Ukraine – et aussi pour la République Démocratique du Congo, le Yémen … – la dévastation et le massacre.