L’église et les abus sexuels… suite

« Agressions sexuelles : C’est bien toute l’Eglise qui porte une responsabilité collégiale. Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieux et religieuses de France, appelle à une indispensable éthique de responsabilité de l’Eglise, dans une tribune au « Monde ». (A la Une du Monde – 01.04.2021)

Extrait :

« (…) De qui sommes-nous aujourd’hui responsables ? Sinon justement de toutes les victimes, connues ou non, de leurs proches, affectés ô combien ; du visage du Christ doux et humble, ami et défenseur des plus petits. Visage trahi, humilié par ceux-là mêmes ayant un jour publiquement signifié qu’ils lui vouaient leur vie. (…) Dans l’Eglise catholique, des femmes et des hommes – enfants, adultes – ont été meurtris jusqu’au tréfonds de la chair comme de l’esprit, de l’âme, de l’intime. LaParole de Dieu a été tordue pour servir les intentions les plus viles. La Tradition détournée par des théologies hallucinantes. Des manipulateurs ont usé de l’autorité que Dieu leur conférait – disaient-ils – pour fracasser des enfances, des consciences, des confiances. Cette responsabilité spirituelle est immense. Elle nous met devant Dieu qui nous convoque à être devant tous et reconnaître ce qui a été corrompu de la foi au Dieu fait chair, engagé en faveur des plus fragiles. »

Ma contribution :

L’analyse contient une contradiction majeure signifiée par l’antinomie entre l’image invoquée du Christ et le réel de l’église (institution), à tous les points de vue : l’argent, le pouvoir, l’intolérance, le décorum, le rejet de la sexualité hors procréation, le mépris du corps, le célibat des prêtres- hommes. Pour la résoudre, il faut mettre en perspective : le déni de la mort telle qu’elle est et la croyance (très minoritaire aujourd’hui) en la résurrection, la promesse du paradis (id) et la vanité de la vie sur terre. Autrement dit, une entreprise de sublimation appuyée sur une structure susceptible d’accueillir des « vocations par frustration » jusqu’aux névroses. « Croire », aujourd’hui, est difficile parce que « savoir » gagne de plus en plus de terrain. Le sacré transcendantal évanoui (les « vocations » disparaissent), la couverture de crimes par l’autorité divine ne peut plus fonctionner. L’institution est désormais humaine, sans Dieu, nue.

Contribution de « Querdenker »

« Le poids de la culpabilité « collégiale » que Véronique Margron fait peser sur les épaules de l’Eglise est si écrasant qu’on finit par se demander si le souhait plus ou moins inconscient de l’éminente théologienne n’est pas de la faire disparaître. Vivre dans l’atmosphère morale qu’elle décrit doit être absolument irrespirable. Après une telle lecture, qui aura encore envie de rejoindre une institution décrite à comme à ce point compromise dans ce qu’il faut bien appeler le Mal ? »

Contribution de « C »

« Après une telle lecture, qui aura encore envie de rejoindre une institution décrite à comme à ce point compromise dans ce qu’il faut bien appeler le Mal ? » Si on fait une fixation sur les dits faits, il est certain qu’on peut douter. Maintenant, revenons à la réalité. L’Eglise, c’est bien autre chose. Ce que Mme Margron, les évêques et le Pape essaient de faire, c’est justement bien définir le mal pour, dans une deuxième phase, le circonscrire et l’exclure. Croire que, sur le sujet, la mortification restera permanente au point d’en faire disparaître l’institution, c’est vraiment mal la connaître. Il y aura des transformations et des évolutions, sans aucun doute mais il y a lieu de se poser la question : « Pourquoi et comment l’Eglise a-t-elle survécu à deux mille ans d’histoire ce qui est unique pour une institution humaine ? » Et cet article illustre bien la première phase de la méthode. »

Ma réponse à « C » :

Il y a, dans la tribune, une confusion entre la morale (le bien et le mal que vous évoquez) et l’éthique qui n’a pas à voir avec ce système binaire. La pédocriminalité, du point de vue de l’éthique, n’est pas un mal moral, elle est une réponse inadéquate à une question. L’aborder sous l’angle moral contient le risque d’évacuer le problème que pose la signification de la structure du pouvoir catholique, sans parler du rapport entre discours fondateur et acte. Supposez que le Jésus des Evangiles et des Actes des Apôtres soit introduit, les yeux bandés, dans St. Pierre de Rome lors d’un conclave, par exemple. Le bandeau ôté, dira-t-il spontanément, voyant les prélats en costume, dans ces ors et ce décorum, que c’est son église ? Conduisez-le dans les arcanes du pouvoir, de l’administration, de la banque vaticanes, montrez lui les films des guerres de religion, de l’intolérance inquisitrice… N’y-a-t-il pas là un problème majeur en rapport avec les dysfonctionnements en question ?

Réponse de « Querdenker »

« @Jean-Pierre Peyrard Finalement si je situe correctement (c’est-à-dire en les lisant entre les lignes) les conclusions à tirer des imprécations « savonaroliennes » de la théologienne à l’endroit de l’institution catholique « telle qu’en elle-même » et, de l’autre, la fiction dostoïevskienne que vous proposez, j’ai bien l’impression que vos deux perspectives tendent à se rejoindre. Or, tout permet de penser que Véronique Margron « croit au Ciel », alors que, de votre côté, vous êtes visiblement du côté de ceux qui n’y croient pas. La possibilité même d’une telle convergence entre vous deux a de quoi laisser songeur, vous ne trouvez pas? Que deviendrait alors le souvenir du Christ et des Evangiles si, d’aventure, l’Eglise, telle que vous deux en formez le voeu, venait à perdre tous les moyens de demeurer cette institution visible et réfractaire au sein de la société moderne? Quel serait la réponse de Régis Debray à une pareille question ? »

Ma réponse à « Querdenker » :

Non, je ne forme pas de vœu, j’essaie de comprendre pourquoi la question de la pédérastie dans l’église émerge maintenant et de cette manière ; d’autre part, ce que peut signifier l’analyse de V. Margron, apparemment très mal à l’aise (en tant que membre de l’église et, j’imagine, en tant que femme). Je fais l’hypothèse que la réponse religieuse (de mon point de vue, un contournement/déni de  la conscience spécifique que nous avons de notre finitude) ne fonctionne plus. Idem pour la réponse (socialiste/communiste, telle qu’elle a été expérimentée) du paradis sur terre, depuis l’implosion soviétique. Nous devons apporter une réponse autre  à l’équation capitaliste (être =avoir plus) dont les effets délétères (socioéconomiques, environnementaux) sont devenus insupportables. D’où la dépression planétaire.

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