Quatre jours, dont deux consacrés aux préparatifs et deux passés sur les routes. Remplir les valises et tenir le volant ou taper sur le clavier de l’ordi, il faut choisir.
Avant de partir, j’ai reçu du journal Monde une publicité pour un numéro spécial consacré à Gotlib. Il (le journal) ne pouvait pas savoir que j’ai connu, disons intimement, Marcel Gottlieb. Quand je l’ai rencontré – en 1998 – , il ne dessinait pratiquement plus et consacrait son énergie à la rédaction des éditoriaux du magazine Fluide Glacial qu’il avait fondé avec un ami, après l’Echo des Savanes créé avec Claire Bretécher et Mandryka.
Quand je dis intimement, c’est au point de partager sa passion pour les pois cassés (mais oui, les pois cassés, vous essaierez, c’est très bon, surtout quand on aime), les discussions grammaticales, le whisky dont je ne dirai pas que c’était un Aberlour de 10 ans, et les huîtres plates dont je ne dirai toujours pas qu’elles sont de Belon. Et Brassens dont il ne supportait pas la moindre critique. Et aussi le cinéma et les discussions interminables avec ceci (n’oubliez pas de lire avec l’accent parigot qu’il maîtrisait parfaitement) :
– J’ai vu (peu importe le titre). C’est génial. Le mec, il joue dans un autre film tout aussi génial… quel titre déjà… ah, merde, je me rappelle plus…
– Quels autres acteurs ?
– Ben, il y a celle qui joue dans… ah, merde, je me rappelle plus…
Et ainsi de suite avec des rires à n’en plus finir à la poursuite de la mémoire infernale.
Il consacrait alors son énergie (oui, je l’ai déjà dit) aux éditoriaux de Fluide Glacial avec de plus en plus de difficultés pour trouver un sujet. C’était même devenu un sujet d’éditorial. Enfin, une fois, ça va, mais pas plus.
Avec Ma vie en vrac et J’existe, je me suis rencontré (il raconte notamment comment il a échappé à la rafle qui a conduit son père dans les camps nazis où il est mort), il m’avait offert les deux tomes, intitulés Jactances (chez Flammarion), recueils de ces éditoriaux.
Je vous invite à les lire. Notamment celui où il met en scène Claire Bretécher. Une conseil : faites pipi avant.
Je l’ai vu dessiner sur un de ses albums une dédicace pour un ami qui me l’avait demandé. Un spectacle inoubliable de grâce, de légèreté, de précision. Le complément d’un humour qui ne reculait devant aucun interdit, et qui n’aimait rien tant que pourfendre la bêtise – lui préférait dire la connerie.