« Emmanuel Macron ne célébrera pas l’anniversaire de l’élection de François Mitterrand le 10 mai. Contrairement à ce qu’il avait envisagé en lançant l’année Mitterrand, en 2021, le chef de l’Etat laissera la célébration des quarante ans de l’élection de l’ancien président aux socialistes. (…) Un hommage sous le boisseau. Après l’année de Gaulle en 2020, et les révérences appuyées à trois de ses prédécesseurs, Georges Pompidou, Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing, Emmanuel Macron avait prévu de célébrer en grande pompe l’année François Mitterrand. Trois dates avaient été surlignées dans le calendrier : le 8 janvier, pour les vingt-cinq ans de la mort du premier président socialiste de la Ve République ; le 10 mai, qui correspond aux quarante ans de son élection, en 1981 ; et le 9 octobre, anniversaire de la suppression de la peine de mort, la même année. Mais si le chef de l’Etat s’est rendu discrètement à Jarnac (Charente), le 8 janvier, pour un hommage silencieux, il ne célébrera finalement pas la victoire de l’ancien héraut de l’union de la gauche. Un véritable virage sur l’aile, au moment où le locataire de l’Elysée entend avant tout fracturer la droite à son profit en vue de l’élection présidentielle de 2022. » (A la Une du Monde – 08.05.2021)
Ma contribution.
L’élection de F. Mitterrand fut la réalisation d’un irréel associée à un mythe, à savoir une victoire électorale de la gauche (encore un peu révolutionnaire) à la présidentielle, après 23 ans de domination de la droite. Sa personne fut donc confondue avec le « miracle » du 10 mai 1981, ce qui permet de comprendre la mise à l’arrière-plan des contradictions de l’homme que tout le monde connaît. Avec les cohabitations qui ont suivi les désillusions, il incarna la dimension sensible, affective même (on l’appelait « tonton ») du mythe, opposée à l’expression du capitalisme que représentèrent J. Chirac puis E. Balladur. Aujourd’hui, l’absence d’un discours de gauche plonge celui de 1981 dans l’oubli et l’impensable. F. Mitterrand est désormais dépouillé du mythe qui l’a fait élire et qui n’existe plus. Seul subsiste le souvenir, plus ou moins vague, qu’il a pu en incarner un. Autrement dit, il est nu.