The great Reaset… et un dialogue

« Le dernier livre du fondateur du Forum économique mondial, Klaus Schwab, et de son ancien directeur suscite fantasmes et diabolisation. Son contenu diffère pourtant des thèses qu’on lui prête. (…)  « Ils ne s’en cachent même plus ! » Les plans machiavéliques de l’élite mondiale malfaisante seraient non seulement une réalité, mais en plus ils seraient publiés noir sur blanc, croient savoir des Français adhérant aux théories du complot. The Great Reset (La Grande Réinitialisation dans son édition française publiée chez Forum Publishing), un livre sorti dans un relatif anonymat à l’été 2020, devenu un sujet de discussion majeur dans la « complosphère » fin janvier, en serait la preuve.

A en croire la manière dont les théoriciens du complot en parlent, ce livre exposerait tous les projets néfastes qu’ils prêtent à l’élite dirigeante : mise à bas des démocraties, dictature sanitaire, nouvel ordre mondial ou encore société de technosurveillance. » (A la Une – Le Monde du 11.02.2021)

Ma contribution ;

Au fond, il s’agit de trouver un sens disons humain à la logique du système qui fonctionne avec ses propres lois. Quant aux autres interrogations de complot, d’intentionnalité… elles ressemblent à celle qui se demanderait si la guerre de 39-45 n’aurait pas été prévue et organisée par le New Deal décidé à l’avance. Le capitalisme a besoin de rentabilité, surtout à court terme, c’est dans son ADN, ce n’est pas un scoop. Reste à savoir dans quelle mesure il est possible d’avoir la main sur son logiciel et les plus habiles sont ceux qui réussissent à anticiper les effets pour en tirer profit par des plans d’adaptation. Ce qui est remarquable, c’est le besoin permanent d’en décrire, voire d’en dénoncer les démesures et les dysfonctionnements, et la difficulté à s’intéresser à ce qui le produit, non seulement dans son expression socioéconomique depuis le 18ème siècle, mais dans ce qui nous pousse,  nous, les êtres humains  à vouloir toujours avoir plus. Jusqu’à ce qui ressemble à l’absurde

1ère réaction de X :

« Parce qu’il y a dans le capitalisme sous ses formes anciennes et sous ses formes nouvelles deux variables anthropologiques fondamentales .On ne peut s’expliquer autrement l’accrochage à ce qui manifestement produit du mortifère. Il n’y a rien de mystérieux : au commencement le faire qui dérive de besoins fondamentaux puis vient ce qui permet d’arrimer le faire aux autres pour le maximiser: le pouvoir qui, à son tour, a besoin de colifichets symboliques de l’ordre de l’avoir .Ce qui produit l’attrait mimétique : c’est fort bien documenté. Lorsque cela reste confiné dans une tribu qui n’a que sa force physique et quelques leviers comme l’écobuage ou l’arc ça reste très limité mais à partir du moment où l’on pénètre en Carbon Democracy wouf !!! »

Ma 1ère réponse à X (pour les lecteurs du blog, c’est encore un coup de marteau donné sur le même clou, mais le contributeur du Monde, l’ignore, lui. Ce qui change, peut-être, pour vous, c’est la forme du marteau) :

Il y a un paramètre qui n’apparaît pas dans votre réponse : être. Faire s’inscrit très bien dans ce qui constitue l’être (ce que Spinoza nomme conatus : persévérer dans son être), une dynamique. Ce paramètre pourrait expliquer « maximiser et pouvoir » que vous présentez comme des corollaires du faire. Et s’ils l’étaient de l’être ? Vous dites, comme moi, comme tout le monde : j’ai un corps, ce qui induit que l’objet (corps) est différent du sujet (je). Même chose pour l’esprit/âme. Comment expliquer ce non-sens, sinon par le déni du cadavre ? Ce déni conduit à un transfert d’immortalité dans l’objet par ses qualités propres (or, diamants) ou sa quantité (collections). D’où les démesures de l’avoir pour soi (pouvoir n’en est que le prolongement), repérables depuis le début de l’histoire humaine et qui prennent des dimensions nouvelles à partir du 18ème siècle. Alors, si on s’occupait de cette question de transfert liée à l’angoisse de sa propre mort, qui sait ce qui pourrait en sortir ?

2ème  réaction de X

« Vous m’invitez à une réflexion intéressante, j’avancerais qu’ être est présent indirectement dans mon intervention : il est présent dans le faire qui engage une dynamique personnelle qu’inclut une dynamique sociale et dans l’avoir puisque l’avoir vaut pour l’être dès qu’il a une dimension de marquage symbolique : si je porte une couronne mon être est d’une certaine façon contenu et conformé par cela. Mais je considère que l’être est aussi de commencement quand je grandis sous le regard des projets/visions autres (projets/visions des parents qui me nomment et me situent ) et qu’il s’engage dans un faire aussitôt de conformation / refus de ces attentes . Cependant l’être est aussi marque de retrait lorsqu’on tente d’être le miroir de soi et de grouper ses incohérences en en faisant le tri , à ce moment apparaît l’être pour la mort effectivement ou plutôt il peut apparaître car se donner consistance suppose de se figer relativement et déjà on touche au bilan et au cadavre. »

Réaction de Y :

>  à moi : « Ne le prenez pas mal si je vous dis que vous êtes un optimiste de l’individu. »

>  à X : « C’est sympathique parce que bien que je suppose que vous n’ayez pas d’affinité avec le bord politique qui s’en réclame, vos analyses sont souvent presque marxistes. Encore un peu et vous pourriez aller vers le communisme libertaire. »

Ma 2ème réponse (dans le même message adressé aux deux)

> à Y :

Je ne  me situe pas dans l’optimisme, mais dans la prise en compte d’un réel simplement matériel : le  double discours de la mort, celui du biologique (celui du corps – vie et mort des cellules) et de la conscience de ce discours – elle commence vers 3 ou 4 ans –  avec la découverte de l’angoisse. C’est une donnée transversale propre à notre espèce. La question est de savoir ce que nous (individu et société) en faisons. En excluant (déni) la mort  (en tant que constituant  de la vie), telle qu’elle est, de l’enseignement (savoir), on fait de ce commun (sans doute le commun le plus important) un objet de croire et une question d’individu (chacun bricole comme il peut ses réponses à l’enfant qui pose la question de sa mort).  La fraternité de la République est à mon sens le signe de la « fraternité de solitude » spécifique de notre espèce.

> à X :

Faute de place [Les interventions sont limitées par un nombre de signes]: qu’est-ce qui peut vous conduire à mettre une couronne ? Si vous rembobinez le film, où arrivez-vous?

3ème réaction de X :

> [à Y] Ma vision de la vie est trop tragique pour que j’aille vers quoi que ce soit d’autre que le pragmatisme de conservation ou le pragmatisme de changement indispensable mais j’ai une assez solide formation marxiste, acquise au détriment de mon parcours social .

> [à moi]  mettons que ce soit la couronne de la galette des rois : elle m’oblige un instant (voyez les enfants autour de la fève). Mais pour rembobiner : le faire s’accomplit vers l’avoir, au milieu de l’avoir , l’être en découle ainsi que ses moments de retour sur soi , le moi qui s’est gonflé dans son expansion sociale et tend toujours à cela, dans ses limites biologiques propres ( le corps de l’individu ), va rencontrer, comme Bouddha, le cadavre et la maladie : tant qu’il le peut il contourne ou apprivoise ce qui est la négation de son inscription au monde.Ou, pour certains rares, tente le chemin des posthumes hommages .Une survie de l’être dans le faire d’où pour les présidents la tentation architecturale.

Ma dernière réponse à X (nous n’avons droit qu’à 1 contribution et 3 réponses) :

Beaucoup de choses en filigrane dans votre réponse. Je dirais que le problème avec Hegel, c’est que l’explication de la dialectique (ô combien séduisante) a parfois des allures de labyrinthe. Avec Marx, la dialectique marche sur ses pieds, comme il dit, mais il y a, un siècle plus tard, un fiasco politique. La faille marxiste est peut-être à chercher dans le rapport d’exclusion entre « frères » et « prolétaires ». Celle de Hegel dans une bulle intellectuelle. Une solution, si je me hasarde dans ce que je devine de votre chemin, pour que la tragédie commune ne devienne obsessionnelle ou cause de désabusement, pourrait être le rapport dialectique entre les deux.

>>>> Et, inattendu autant que sympathique (et utile aussi dans le doute…) ce message envoyé à X et à moi par une contributrice :

>  « Quel plaisir de lire vos échanges bien plus intelligents et cultivés que nombre d’articles du Monde. Merci. »

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