1 – « La peur va changer de camp ! », telle est la nouvelle promesse d’E. Macron qui répond à l’injonction « La peur doit changer de camp ! » de Valérie Pécresse, il y a un mois, et fait écho au « Nous allons terroriser les terroristes ! » de Charles Pasqua, alors (1986) ministre de l’Intérieur.
La stérilité constatée, avérée, de ces formules – elles rappellent l’argument des opposants à l’abolition de la peine de mort censée faire peur aux futurs criminels et les dissuader de commettre leur crime – n’a d’égale que leur absurdité.
La peur est un imaginaire qui ne concerne que ceux qui sont pas concernés par la décision et le passage à l’acte du crime, sans quoi, la quasi-certitude d’être tué par les forces de l’ordre (ou par la guillotine) aurait depuis longtemps éradiqué le crime.
La certitude de mourir n’a pas empêché les jeunes japonais de monter dans leur avion pour aller percuter les navires des USA à Pearl-Harbor le 7 décembre 1941. Ni les militants d’Al-Qaïda de se préparer pendant des mois pour aller s’écraser contre les tours du World Trade Center, le 11 septembre 2001.
Je me doute bien que le président de la République ne parle pas sans avoir la conscience de l’inanité de cette formule destinée à rassurer des enfants apeurés, en l’occurrence des adultes qui ne sont pas dupes du « vous allez voir ce que vous allez voir ! ».
En revanche, il n’est peut-être pas certain qu’il réalise tout à fait ce que signifie le recours à ce type d’inanité.
Vouloir faire peur à celui qui est en-dehors du champ de la peur est, en même temps qu’une erreur de diagnostic, un signe manifeste de faiblesse.
Une faiblesse qui risque d’inciter les fanatiques à qui est promis un paradis de miel à côté d’un dieu, à répondre par le seul argument dont ils disposent pour montrer qu’ils n’ont pas peur : commettre de nouveaux crimes.
2 – Marlène Schiappa, ministre chargée de la citoyenneté expliquait, pour justifier le contrôle des réseaux sociaux (c’est un autre problème qui pose la question du statut et de la compétence des censeurs éventuels), qu’un jeune peut très bien aujourd’hui se « radicaliser » tout seul, chez lui en consultant certains sites ou réseaux.
Certes.
La question qu’elle ne pose pas en même temps : pourquoi un jeune peut-il éprouver le besoin de se « radicaliser » tout seul et d’aller sur les sites et les réseaux sociaux « radicaux » ?
Ne pas la poser en même temps, ne pas l’articuler avec l’action envisagée sur des moyens, revient à laisser entendre que les réseaux sont, en soi, une cause. Est-ce que ces sites et ces réseaux sont là par hasard ?
Poser les questions participerait de la recherche et de l’invention des solutions qu’E. Macron appelait de ses vœux dans son interview du mercredi 14 octobre.