Cette question apparente est extraite d’un des poèmes du Roman inachevé que Louis Aragon écrivit dans les années 1950. (Léo Ferré l’a mis en musique et chanté). Malgré la forme, elle n’est pas une question. Trois fois reprise, non comme un refrain mais comme une déchirure, elle est l’expression d’une complainte née du regard d’effarement sur les drames de la première moitié du siècle.
La condition humaine…
J’ai pensé à ce poème en lisant, dans A la Une du journal numérique du Monde du 5 mai, un article sur la vie confinée des hommes et des femmes dans le département de la Seine-Saint-Denis, en particulier à Clichy-sous-Bois. Un des départements les plus pauvres en temps ordinaire, encore plus pauvre dans ce moment de crise. Des queues de centaines de mètres pour obtenir la nourriture donnée par des associations qui peinent à s’en procurer suffisamment. Qu’elles ou ils soient des immigrés, avec ou sans papier, qu’importe ? Ils n’ont parfois pas le moindre euro pour acheter de quoi manger, pour eux et leurs enfants. Ils meurent davantage, mais seulement juste un peu plus que ceux des Hauts-de-Seine qui sont parmi les plus riches. Le virus n’est le bras armé de personne.
Comme l’état des prisons, l’état des pauvres résonne dans Est-ce ainsi que les hommes vivent…
Et les invectives rampantes xénophobes et racistes d’exclusion nationaliste qui exploitent la misère humaine pour nourrir la peur ajoutent à l’interrogation de la fraternité l’exclamation de la colère.