Camus…. Suite

Le point de vue d’Hélène pose la question de « l’angle de lecture ». S’il s’agit de choisir tel ou tel élément du récit pour expliquer le discours, oui, bien sûr. Tout ce qui est imaginé par l’auteur le constitue en effet plus ou moins directement. Ce qui implique que l’élément choisi ne soit pas considéré en-dehors du champ de ce discours, pour lui-même. Pour m’en tenir à « l’Arabe ».  La question n’est pas de savoir pourquoi Camus ne lui donne pas un nom, mais pourquoi il décide que Meursault ne lui en donne pas – il pouvait très bien ajouter au scénario les ingrédients qui le rende possible. C’est dans la cohérence de ce personnage, le narrateur, qu’il faut donc poser cette question, comme toutes les autres relatives aux différents événements. Meursault ne le tue pas parce qu’il est un Arabe, non seulement parce qu’il n’y a rien qui laisserait seulement supposer un acte raciste, mais surtout parce que « racisme » lui est aussi étranger que toutes les valeurs conventionnelles attachées aux événements et aux personnages qu’il rencontre, et c’est cela qui lui vaut la condamnation à mort : il est condamné non parce qu’il a tué – ça c’est l’événement-prétexte –, mais parce qu’il n’a pas le droit d’être l’étranger qu’il est, qui met en péril l’existence de la société. Son crime essentiel est d’avoir fumé une cigarette devant sa mère morte. A cet égard, le réquisitoire que Camus fait tenir au procureur est un chef-d’œuvre, et pas seulement dans le contexte de l’idéologie vichyssoise.  Le meurtre de l’Arable est un geste inadéquat du personnage relativement au problème qu’il rencontre avec la chaleur et le soleil, en ce sens qu’il « vise » l’extérieur alors que la cause est intérieure. « J’ai secoué la sueur et le soleil. J’ai compris que j’avais détruit l’équilibre du jour, le silence exceptionnel d’une plage où j’avais été heureux. Alors, j’ai tiré encore quatre fois sur un corps inerte où les balles s’enfonçaient sans qu’il y parût. Et c’était comme quatre coups brefs que je frappais sur la porte du malheur » (fin de la première partie).

Un avis sur « Camus…. Suite »

  1. Merci Jean-Pierre. Je suis d’accord avec vous. L’Etranger est un roman inépuisable. J’espère que le film de F. Ozone sera à la hauteur.

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