Journal 107 – la censure du Monde – (09/11/202)

Le journal publie ce jour un article sur le procès des présumés complices de l’assassin de Samuel Paty. Il y a quatre ans, ce professeur d’histoire et géographie était décapité part un jeune Tchétchène de 18 ans, islamiste radicalisé (tué par la police juste après son crime) parce qu’il avait montré les caricatures de Mahomet à ses élèves dans le cadre d’un cours sur la liberté de la presse. Les personnes jugées sont accusées d’avoir favorisé le passage à l’acte de l’assassin par des messages haineux et des affabulations appuyées sur les mensonges d’une des élèves du professeur.  

Dans l’ensemble, les contributions expriment des émotions, des opinions diverses en particulier sur l’opportunité d’utiliser les caricatures en classe.

 Voici ma contribution refusée par le journal :

« La question souvent posée de la pertinence d’un travail à partir des caricatures ne concerne que l’épiphénomène pédagogique, non ce qui conduit un jeune homme de 18 ans à décapiter un professeur – D. Bernard a été assassiné sans les caricatures. Ce qu’il est difficile d’admettre, c’est que ce geste, à ce point sidérant qu’il en est invraisemblable, signifie qu’il est pour son auteur une question de vie ou de mort : que faut-il pour ne pouvoir exister que par l’assassinat de l’autre ? Telle est la problématique que nous croyons résoudre avec l’étiquette « terrorisme ». Qu’est-ce qui permet de comprendre ces crimes de masse ou d’individus, sinon le désarroi planétaire que nous connaissons depuis la fin des années 80, une désespérance qui, entre autres expressions aberrantes, notamment politiques et idéologiques, utilise le vecteur de l’islam, la religion de la zone géopolitique la plus fragile et perturbée ? »

Je serais tenté de dire (voir la fin de l’article) que la censure du Monde vise le principe d’explication, dans son sens littéral de « déployer, dérouler », comme on le fait d’un objet pour comprendre comment il est fabriqué, et que, pour elle, expliquer revient à justifier, dans le sens littéral de « conforme au droit ».

Rien, dans ma contribution ne peut laisser penser ou même supposer que le criminel a commis un acte que j’estimerais juste.

Ce qui, en revanche, ne lui pose pas de problème, c’est l’explication par la cause de soi qu’illustre la contribution lapidaire « Aucun mystère. Juste de l’obscurantisme » dont le présupposé est que l’obscurantisme est sa propre explication, ou encore « C’est un crime épouvantable. Il n’est rien d’autre. Il doit être jugé comme tel » qui serait acceptable s’il s’agissait d’un acte isolé.

Chercher, par le biais de l’irreprésentable que constitue cette décapitation réalisée avec un couteau par un jeune homme d’un homme qu’il ne connaît pas, à comprendre ce qui peut conduire à décider de commettre un tel acte, c’est poser la question de ce qu’il y a, aujourd’hui, en amont de l’obscurantisme d’aujourd’hui lié à l’islam et qu’on appelle l’islamisme.

Si l’obscurantisme est inhérent à toute religion – in fine, les dessins de Dieu et d’Allah sont impénétrables => si Dieu le veut, Inch’Allah – il s’exprime aujourd’hui sous des formes nouvelles, à un degré de violence élevé qui demandent donc à être explicitées, sauf à s’en tenir à la tautologie.

L’explication que je propose – de l’ordre de la discussion – n’est pas différente dans son principe de celle du tribunal moderne dont la fonction est de comprendre le comment et le pourquoi d’un acte criminel et qui refuse l’explication par la cause de soi.

La loi stipule que tout criminel – jusqu’au pire imaginable – doit comparaître devant le tribunal accompagné d’un avocat parce que nous avons décidé qu’il s’agir d’un être humain dont l’acte ne va pas de soi.

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Pour contourner la censure (je précise que j’ai renvoyé ma contribution en demandant pourquoi elle était censurée… sans réponse) et voir ce qui pouvait la déclencher, j’ai envoyé cette autre contribution… qui a été publiée : 

« Deux remarques sur ces deux points de vue : « Aucun mystère. Juste de l’obscurantisme » et « C’est un crime épouvantable. Il n’est rien d’autre. Il doit être jugé comme tel».

1° L’obscurantisme, propre à toute religion, n’est pas nouveau. Ce qui l’est, c’est la forme qu’il prend aujourd’hui (depuis une trentaine d’années)  et son degré de violence.

2° Ce serait acceptable s’il s’agissait d’un acte isolé réductible au seul criminel, ce qu’il n’est pas : le « terrorisme » dont cet acte est une illustration parmi de nombreuses autres a une dimension planétaire.

Autrement dit, il s’agit d’élucider en quoi le fondamentalisme d’aujourd’hui conduit un jeune homme de 18 ans à décider de décapiter un homme qu’il ne connaît pas.

En témoigne le procès lui-même qui concerne notamment deux hommes qui ne connaissaient pas le criminel et qui sont accusés d’avoir incité le passage à l’acte par des messages qui ne lui étaient pas adressés.»

La problématique proposée dans les deux contributions est la même, avec la différence que le paramètre géopolitique n’y est plus.

De deux choses, l’une :

– ou bien la censure est gérée par un logiciel qui réagit mécaniquement à certains mots… mais lesquels ?

– ou bien elle est le fait de personnes, ce qui me semble le plus probable – j’en ai relaté l’expérience il y a quelques semaines – qui sont l’écho du refus de la coresponsabilité dans l’analyse.

Exemple : la condamnation par les pays occidentaux des agressions contre les supporters israéliens à Amsterdam.  Je m’y associe.

J’aimerais m’associer à la même condamnation du massacre systématique de Gaza organisé par B. Netanyahou qui profite de l’ « occasion Amsterdam » pour instrumentaliser la « nuit de cristal » (9 au 10 novembre 1938) sans que personne n’y trouve à redire.

2 commentaires sur « Journal 107 – la censure du Monde – (09/11/202) »

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