Journal 60 –   le mythe de La France – (10/06/2024)

Hier, ce n’était pas d’abord le matin, puis l’après-midi, puis le soir, puis la nuit, comme tous les jours,  c’était aussi et surtout une journée raccourcie puisqu’elle se termina à 20 h 00 quand fut annoncé le résultat français de l’élection européenne. 

Jusque-là, je ne dirai pas que tout allait bien, non, mais que tout était en suspens, ce suspens bien connu caractérisé par une petite voix, toute petite et très faible, oui, mais voix quand même qui susurre bon d’accord le miracle ça n’existe pas plus qu’une fourmi de dix-huit mètres avec un chapeau sur la tête, oui, ou non, ça dépend, mais on ne sait jamais, hein, peut-être bien que….

Eh bien non, ou plutôt oui, ça n’existe pas. Je parle du miracle, Parce que la fourmi poétique, elle, elle existe.

Jusque-là, une belle journée paisible chez des amis, dans les Cévennes. L’amitié, les arbres, les oiseaux, le vin, des boulettes et des frites – comment avez-vous deviné que ce sont des amis belges ? – un orage annoncé – je parle de météo – qui passe à côté – je suis toujours dans la météo – et un retour tranquille à la maison.

A 19 h 15, Arte et les premiers résultats européens. Une autre petite voix, mais de plus forte intensité, qui met en regard le débarquement de 1944 et les résultats des extrêmes-droites. L’autre, celle du suspens métaphysique est de plus en plus imperceptible. Elle s’éteint à 20 h 00.  Arte – nous ne supportons plus les discours des représentants des partis politiques rituellement invités sur les autres chaines – réunit des « politistes » français et allemands plus audibles, pendant un moment.

A 20 h 00 et quelques minutes, elle retransmet le début de la déclaration de J. Bardella. Derrière lui, en gros plan, le slogan du RN « La France revient ». Je me dis que je ne rêve pas.

D’un commun accord, nous décidons de zapper et de regarder Taken 3, (nous avons déjà vu les 1 et 2) un film intellectuel plein de poursuites de voitures et de méchants qui essaient de tuer le héros mais qui n’y arrivent jamais parce qu’il est très fort. Il a une femme qui l’a quitté parce qu’il n’était jamais là puisqu’il était au service de son pays et une fille qui passe son temps à être enlevée, à Paris, puis à Istanbul, mais là c’est à Los Angeles. Ça dure à peu près une heure et demie pendant laquelle l’esprit est tellement pris qu’il ne pense plus du tout à ce qui est en train de se produire en Europe et en France. L’anesthésie, ça doit être ça.

Après, et toujours d’un commun accord, nous décidons de retrouver Arte pour une vision d’ensemble. Mais la chaine a zappé elle aussi et elle diffuse un film. Il faut attendre un quart d’heure et je sélectionne France 2. Et là, en même temps, nous apprenons la décision du président de dissoudre l’Assemblée nationale et entendons la réaction du chef du Parti socialiste, Olivier Faure qui dit qu’il s’agira de décider si ce sera une France d’extrême-droite qui accueillera les Jeux Olympiques. Je ne vous dirai pas mon exclamation spontanée en trois lettres qui sont généralement l’expression de la colère qu’il est préférable de laisser sortir parce que cette mauvaise conseillère peut être dangereuse si on la laisse à l’intérieur.

Maintenant qu’elle est sortie et que la nuit est passée, j’explique ce qui n’est pas très réjouissant. Pas plus que la formule de l’appel à un « Front populaire contre l’extrême-droite » que je découvre à la Une du Monde,  si elle doit en rester là.

Ce dont n’a apparemment pas conscience ce porte-parole socialiste, c’est qu’il vise le même terreau, la même strate que le RN : le RN, dit-il ainsi, ce n’est pas la France qui doit accueillir les J.O. ,alors que le RN vient de récolter plus de 30% des voix avec le slogan « la France revient » (équivalent du « Make America Greta Again » de Trump).  

Le Front populaire souhaité rappelle évidemment les événements de 1934 (tentative de coup d’Etat de l’extrême-droite), avec une différence essentielle : la gauche n’a plus le discours d’alternative qui était celui d’un temps où socialisme avait un sens audible et « contre le RN » n’est pas un projet mais l’expression des peurs et de l’angoisse dont il se nourrit avec succès.

Ce qui fait défaut à la gauche, c’est la capacité du diagnostic. En rester à ce discours qui renvoie au mythe de La France, ne peut que favoriser le développement du symptôme qui, hier, à 20 h 00, agitait les drapeaux tricolores  et chantait la Marseillaise au soir d’une élection européenne.

2 commentaires sur « Journal 60 –   le mythe de La France – (10/06/2024) »

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