Journal – 17 (18/02/2024)

A la sortie de l’oasis m’attendent les deux événements annoncés dans le journal précédent.

–  Hind Rajab était une petite fille gazaouie. Elle est morte à 6 ans, le 29 janvier, près de Gaza et l’enregistrement téléphonique de ses derniers instants a été largement diffusé. Un crève-cœur difficile à écouter. La voiture dans laquelle elle se trouvait a été touchée par un tir israélien. Sa cousine – 15 ans – blessée, parvient à appeler le Croissant Rouge palestinien. Elle indique que des chars sont à proximité juste avant d’être tuée par de nouveaux tirs perceptibles derrière sa voix. Hind, blessée, coincée dans la voiture, parle pendant trois heures avec une interlocutrice du Croissant Rouge qui tente de la rassurer et lui annonce l’envoi d’une ambulance. Deux semaines plus tard, quand les chars auront quitté l’endroit, la petite fille sera retrouvée, morte, dans la carcasse de la voiture, avec ses proches, et, à quelques mètres, l’ambulance et les deux infirmiers, pulvérisés.

L’événement, c’est aussi la hiérarchie des empathies lues dans les contributions des lecteurs du Monde, en particulier la comparaison de ces victimes avec celles du 7 octobre, avec, parfois, un discours de justification.

Une obscénité sans nom.

Si le massacre du 7 octobre est de l’ordre de l’assassinat, d’autant plus violent et atroce qu’il a été commis dans un contexte passionnel, celui du 29 janvier, froid, calculé,  s’apparente à une exécution.

Dans les deux cas, des personnes tuées non pour ce qu’elles font mais pour ce qu’elles sont.

– le second est la mort d’Alexeï Navalny. Un assassinat. Direct ou pas, peu importe.

Son retour en Russie après la tentative d’empoisonnement qui avait échoué de peu, fut de l’ordre d’un courage sans doute alimenté par une surestimation de l’influence de sa notoriété. Sauf à lui supposer la décision du martyre,  cette démarche dont il savait qu’elle le conduirait en prison, témoignait aussi d’un déni de la réalité politique russe qu’il connaissait pourtant, ou d’un aveuglement. Ce qui lui conféra la célébrité dans son pays – après une errance dans le champ nationaliste – ce fut sa dénonciation de la corruption – il publia nombre de vidéos, notamment sur le palais de V. Poutine.

Le sort qui lui fut réservé – procès et condamnation de pures formes – révèle la réalité, qui n’est pas seulement russe, de la mise entre parenthèses des principes – universalisme objectif – au profit des valeurs – contingence subjective.

D. Trump en est l’expression américaine, les organisations d’’extrême-droite l’expression européenne.

V. Poutine peut envahir un pays qui ne menace pas le sien et déclencher une guerre dévastatrice en disant qu’elle n’est pas une guerre, D. Trump peut affirmer que l’élection a été volée, alimenter une insurrection,  dire que les juges sont mus par l’animosité à son encontre, que la Russie peut envahir les mauvais payeurs de l’OTAN, parce qu’ils savent l’un et l’autre qu’un nombre suffisant de Russes ou d’Etats-Uniens ont besoin d’entendre un discours de « valeurs » qui satisfait un individualisme maladif exacerbé par la disparition de la problématique du « commun ».

Russie Unie, America First, sont entendus parce qu’ils sont attendus. Comme sont attendus et entendus de plus en plus,  en Europe, « on est chez nous » « les immigrés dehors ».

A. Navalny évoluait, comme V. Poutine, sur le terrain des valeurs.

2 commentaires sur « Journal – 17 (18/02/2024) »

Répondre à jean-pierre Annuler la réponse.