Vassily Kandinsky

France Culture. Ce jeudi 18 décembre, entre les titres du journal (12 h 00) et le journal lui-même (12 h 30), l’émission Les Midis de culture proposait un débat sur l’exposition, à la Philharmonie de Paris,  « Kandinsky et la musique. »

J’ai découvert ce peintre (et aussi Paul Klee et aussi Paul Cezanne) en préparant un certificat d’esthétique à la faculté de Lyon. Le cours était assuré par le philosophe Henri Maldiney (1912- 2013). Voici ce que j’écrivais dans Le scénario (2017) :

« Le dernier [de mes professeurs], et non le moindre, fut Henri Maldiney. Il assurait la préparation du certificat d’esthétique que j’avais choisi pour accompagner mon mémoire de maîtrise, sans doute parce que le rapport avec le beau était ce qui m’avait manqué le plus dans mon histoire familiale.

Le cours s’adressait à des étudiants titulaires d’une licence de philosophie dont le langage et le mode de pensée n’avaient rien de commun avec les lettres classiques, et je me suis demandé pendant les premières séances si je ne m’étais pas fourvoyé.

Seulement, il se dégageait de cet homme un affect comparable à celui que produit une œuvre dont vous sentez dès le premier contact qu’elle vous convient. Ce que je trouvais dans son cours, c’était une coïncidence, une harmonie avec ce à quoi j’aspirais, que je cherchais confusément. Même si je ne saisissais pas tous les éléments de son discours – loin de là ! –, je me sentais en phase avec ce qu’il disait de la complexité du monde vue à travers le prisme de la peinture. Je dirais que mon rapport à son discours devait être alors de l’ordre de la connaissance du troisième genre que j’ai découverte bien des années après dans l’Ethique de Spinoza.                                . 

Je lui dois en particulier les clefs de la compréhension de la peinture – la connaissance d’un objet qui s’impose en tant qu’essence – par son approche de Paul Cézanne, de Paul Klee, de Vassily Kandinsky ; et si j’avais déjà une certaine culture musicale, la découverte des œuvres de Monteverdi qu’il nous conseilla vivement, fut le premier acte d’un bouleversement insoupçonné. » (p. 113,114)

Ce qui se joue en effet – pas seulement dans la peinture – c’est ce rapport avec l’objet (ce qui n’est pas le sujet, moi) et qui est explicité dans le livre de référence écrit parWilhelm Worringuer (1881-1965) : Abstraktion und Einfühlung. Si la traduction d’abstraktion ne pose pas de problème (abstraction, du latin abstrahere = tirer loin de, autrement dit ce que produit l’éloignement intellectuel de l’objet matériel), celle de einfühlung est plus délicate : empathie, ne rend peut-être pas exactement compte de la différence du rapport à l’objet selon qu’il est celui de l’esprit (abstraction) ou du corps (empathie), la peinture s’efforçant de restituer leur unité  dans le tableau, En particulier Kandinsky dont le double choc initial fut les Meules de Monnet et Lohengrin de Wagner.

En dépit même des intentions des uns ou des autres, il n’existe pas de peinture figurative, tout tableau – chef d’œuvre ou croûte – est en même temps abstraction et empathie.

L’académisme a longtemps refusé cette dualité, en alléguant que les peintres « abstraits » faisaient de l’abstraction parce qu’ils ne savaient pas dessiner.

Même si l’argument est aujourd’hui ruiné, il perdure encore dans le questionnement « Mais qu’est-ce que ça veut dire ? » ou « Je n’y comprends rien ! », signes de la difficulté à regarder qui nous sommes et notre rapport au monde.

L’évocation de Kandinsky entre ces deux moments d’informations sur le malheur du monde fut et est encore un objet de questionnement.

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