Un document publié par l’administration Trump annonce la fin de l’Europe via son « effacement civilisationnel », dans vingt ans au moins.
Les contributions dans la page du Monde (réservée aux abonnés) qui analyse le document sont nombreuses. L’une d’elle recueille de nombreuses approbations. En substance : États-Unis, Chine et Russie sont en réalité des puissances fragiles et l’Europe peut s’en sortir aux prix de sacrifices industriels et énergétiques. Le danger ne vient pas des USA mais de « notre incapacité à sortir du confort stratégique des trente dernières années. »
Ma réponse (1) et ma contribution (2).
(1) Votre analyse dissocie l’Europe des autres puissances économiques… dans le cadre du système capitaliste. Mais que devient-elle si on considère que le problème n’est pas conjoncturel, qu’il ne concerne pas essentiellement le rapport entre les diverses puissances, mais l’équation constitutive du capitalisme qui, depuis l’implosion soviétique, n’a plus en face d’elle, comme faire-valoir, l’alternative d’un commun qu’il faudrait donc redéfinir ? Ces trente dernières années ne sont pas celles d’un « confort stratégique » mais, au contraire, celles de la lente progression d’un désarroi planétaire – = absence de solution de rechange après le fiasco communiste – dont témoignent ce qu’on appelle « terrorisme international » et le nouveau développement de l’idéologie d’extrême-droite (Trump et Poutine en sont les expressions les plus remarquables).
(2) Ce discours est, sur le mode US (Moi d’abord ! Moi plus fort !), le produit du désarroi actuel, planétaire. Il est, sur un mode analogue et plus désinhibé, celui de la Russie (cf. l’attaque de l’Ukraine et les provocations de guerre dite hybride). L’absence de discours européen (= déni du désarroi) contribue à renforcer l’accord, pour le moment, entre D. Trump et V. Poutine, l’un et l’autre soutenus en Europe (comme le pendu par la corde) par l’idéologie d’extrême-droite. La seule réponse possible contre le « Moi d’abord ! » mortifère est le discours du commun dont le contenu (socialisme/communisme) est obsolète depuis la fin des années 1980. Il s’agit de savoir s’il faut une guerre générale pour en donner enfin la définition, opposée à l’équation du capitalisme qui aboutit au Moi d’abord ! actuel, et consensuelle en ce sens qu’elle est celle de la spécificité de l’espèce humaine.