La page blanche qui précède les deux derniers paragraphes (p.17) leur donne l’air d’une postface qu’elle n’est pas.
Voici le premier :
« Plus tard, revenu à Paris, il rencontra Malraux. Celui-ci lui raconta qu’il avait été fait prisonnier (sans être reconnu), qu’il avait réussi à s’échapper, tout en perdant un manuscrit. « Ce n’étaient que des réflexions sur l’art, faciles à reconstituer, tandis qu’un manuscrit ne saurait l’être. » Avec Paulhan, il fit faire des recherches qui pouvaient que rester vaines. »
À la page 14 (juste après la digression sur l’année 1807 et Iéna), Blanchot (donc un Français) raconte que sa maison a été « fouillée partout », donc par des soldats sous les ordres de l’officier nazi allemand– et non « pillée et saccagée » comme celle de Hegel (donc un Allemand) par les soldats de l’armée française napoléonienne. La comparaison n’est peut-être pas anodine. Passons.
Il ajoute, toujours à la même page : « On prit quelque argent ; dans une pièce séparée, « la chambre haute », le lieutenant trouva des papiers et une sorte d’épais manuscrit – qui contenait peut-être des plans de guerre. »
Je n’insiste pas sur le « on prit quelque argent », à la résonance de salon aristocratique, pour en venir à « l’épais manuscrit » : le tiret indique qu’il s’agit du point de vue du lieutenant : = il se dit qu’il y a peut-être « des plans de guerre. » Au choix, soit une ironie dirigée contre le lieutenant ( =quelle bêtise de s’imaginer une chose pareille !), soit une manière détournée de se donner de l’importance (« la chambre haute » est une indication qui n’est pas absolument indispensable)… ce que semble confirmer la rencontre avec Malraux, et donner par la même occasion de l’importance à l’ « épais manuscrit » – qui n’est pas un manuscrit épais, notez-le bien ! – dont on comprend, par la réflexion de Malraux qu’il était tout autre chose que de simples « réflexions sur l’art ». Tout cela, pour le dire clairement, a quelque chose de snob.
Et le « Qu’importe. » qui commence le dernier paragraphe a tout du dédain du grand seigneur pour la contingence, au-dessus de tout ça.
Voici la fin : « Seul demeure le sentiment de légèreté qui est la mort même ou, pour le dire plus précisément, l’instant de ma mort, désormais toujours en instance. »
Pour moi, l’instant et en instance ne sont pas au niveau de la tragédie vécue. Ils sonnent comme un jeu de mots.
L’article suivant, le dernier, sera un bilan.